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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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situation que je ne saurais le faire. Mais depuis que le problème implique mon médecin, je rappelle respectueusement à Votre Excellence que, s’il y a une plainte à l’encontre d’Isaac, médecin de Gérone, ou de Joshua, négociant de Tarragone, la seule personne autorisée à juger ce problème est le bailli général.
    — En temps ordinaire, oui, concéda l’archevêque, mais…
    — Tous les juifs relèvent de la chambre royale, comme vous le savez, Don Sancho, continua Berenguer sur le même ton. Ils constituent le trésor du roi. Toute affaire les concernant doit être entendue par un officier royal. Quelle que soit la juridiction que j’exerce sur Isaac – un juif de l’évêché –, je m’efface devant le bailli général. Et, en ce moment même où Sa Majesté se prépare à la guerre – avec le soutien généreux des juifs de Tarragone, vous vous en souviendrez –, vous pouvez être certain qu’il porte un vif intérêt à leur bien-être.
    — Ce fut une terrible méprise, concéda l’archevêque d’une voix mielleuse. Le seul ordre d’arrestation que j’ai signé ce matin concernait un chrétien convaincu d’hérésie et de crimes annexes. Si je me souviens bien, un de ses voisins a juré avoir vu l’hérétique dans la ville et savait où il se terrait. Personne n’a parlé d’arrestation de juifs.
    Il actionna la clochette posée sur son bureau et, un instant plus tard, son secrétaire franchissait une petite porte discrète.
    — Où sont les juifs que l’on a malencontreusement arrêtés cet après-midi ? lui demanda-t-il d’un ton glacial.
    — Ils attendent dans une pièce attenante à la salle de garde, Votre Excellence, bredouilla le secrétaire. Comme Son Excellence l’évêque de Gérone a eu la bonté de faire remarquer que l’un d’eux était son médecin personnel – et qu’il vivait présentement au palais –, nous avons hésité à les mettre en cellule.
    — Il aurait certainement mieux valu me faire prévenir pour vérifier cet ordre, n’est-ce pas ?
    — Assurément, Votre Excellence. J’aurais dû y penser, dit le malheureux qui endossait toute la responsabilité sur ses frêles épaules.
    Berenguer ne le plaignait pas, car le secrétaire était peut-être le bouc émissaire de l’archevêque, mais il menait en contrepartie une existence particulièrement douce.
    — Veillez à ce qu’ils soient immédiatement libérés, ordonna Don Sancho.
    — Ce sera fait, Votre Excellence, murmura le secrétaire.
    — J’ordonnerai une enquête approfondie. Vous pouvez en assurer Sa Majesté.
     
    Quand Berenguer sortit du cabinet de l’archevêque, il fut approché une fois encore par un jeune page.
    — Pardonnez-moi, Votre Excellence, mais j’ai pour vous un message de la part d’un noble ami qui souhaite vous parler.
    Berenguer songea un instant au somptueux dîner qui serait sans aucun doute offert aux membres du conseil. Il se tourna vers sa suite.
    — Francesc, Bernat. Je vous rejoindrai.
     
    — Je vous prie de m’excuser de vous demander à nouveau de venir ici, dit Santa Pau. Et de vous contraindre à vous vêtir de cette simple cape. Mais vous ressemblez tant à un évêque que je ne voulais pas que les gens vous remarquent.
    — Mon cher Santa Pau, je suis un évêque. On en prend très rapidement l’apparence. Il est difficile de faire autrement. Mais n’est-ce pas une cruche de vin que je vois sur ce buffet ? demanda-t-il. Et une miche tentatrice ? Vous m’avez fait manquer un banquet en venant chez vous, mais j’avoue que je me contenterai volontiers de ce que je vois ici.
    — Ce n’est pas grand-chose, mais c’est de bonne qualité.
    Santa Pau versa du vin et coupa une tranche de pain pour chacun d’eux. Il souleva un linge et révéla un beau jambon fumé dans lequel il découpa plusieurs tranches. Il les plaça ensuite devant Berenguer en même temps que le pain, le vin et une assiette de fruits. Il donna au page une tranche surmontée d’un peu de jambon ainsi qu’un abricot, et lui dit de les attendre dans un coin tranquille. Le garçon prit son repas et disparut.
    — Vous servez à merveille à table, Santa Pau, lui dit Berenguer.
    — J’ai été page, écuyer et soldat. On apprend vite. Mais vous devez vous demander pourquoi j’ai cherché à vous voir si vite et à une telle heure. J’ai de bonnes raisons.
    — J’en suis certain.
    — La première vous concerne, expliqua Santa Pau, parce

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