Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
Vom Netzwerk:
enfants. Je vais vraiment me mettre en colère.
    Les deux filles échangèrent un regard craintif et décidèrent d’un commun accord de cesser momentanément les hostilités.
    La voiture arriva dans le village. Une affiche à moitié déchirée du maréchal Pétain pendait sur un mur décrépi. Le conducteur réprima une injure à la vue du képi du vieux militaire, longea une église et s’arrêta devant le portail d’une maison aux volets clos. Les deux petites filles s’étaient tues, intriguées par cet endroit inconnu.
    — Mettez vos manteaux, les filles. On descend.
    — On fait quoi, ici ? interrogea l’aînée qui avait entouré le cou de la plus jeune d’une écharpe en laine écrue.
    — Voir une vieille amie de la famille, prendre un bol de chocolat chaud et visiter le parc.
    Une dame voûtée, vêtue d’un châle bleu nuit, apparut comme par enchantement derrière la grille. Les deux petites filles croisèrent le regard de la vieille qui les fixait. Son regard perçant, son nez émacié, ses mains crispées sur une canne lui donnaient l’allure d’une sorcière.
    Elles échangèrent un regard d’appréhension.
    — Papa, tu vas pas nous laisser avec la dame ? implora la plus petite.
    — Bien sûr que non, sauf si vous n’êtes pas sages.
    Le décor qu’elles avaient sous les yeux les impressionnait : un immense jardin à l’abandon, envahi d’herbes folles et d’arbres, dont les troncs partaient dans des directions biscornues. Derrière cette végétation touffue, elles aperçurent une tour à étages, flanquée d’une fine tourelle et bordée de créneaux comme un château fort.
    — Où on est, papa ? demanda Hannah, impressionnée.
    — Chez une vieille amie. Elle s’appelle Marie. Venez, nous allons la saluer.
    Le petit groupe rejoignit leur hôtesse qui les attendait sur le perron. Elle embrassa chaleureusement le père et l’étreignit avec force.
    — Ça fait du bien de te voir, André. J’espère que cette horrible guerre va bientôt finir. J’ai été soulagée d’apprendre que tu étais revenu chez nous, les Allemands ne pourront pas vous faire de mal.
    Elle tendit la tête vers les deux enfants. Hannah se colla contre sa sœur.
    — Ce sont donc tes filles. Laisse-moi les contempler.
    Son accent rocailleux faisait traîner les dernières voyelles avec malice. Elle devait avoir plus de soixante-dix ans. Sa peau fine était à peine parcheminée, il se dégageait d’elle une énergie et une force peu communes à cet âge. Ses yeux noirs scrutèrent les deux enfants intimidées. Leur père leur fit un signe. Elles s’inclinèrent comme on leur avait appris à l’école, le comportement qui s’imposait devant toute grande personne.
    — Bonjour, madame, lancèrent-elles en chœur, sans oser croiser son regard quand elles se relevèrent.
    — Vous êtes bien belles, répondit la femme. Bienvenue dans la villa Béthanie. Entrez, il fait chaud à l’intérieur.
    Les fillettes suivirent leur père. Hannah ne put s’empêcher de se retourner pour jeter un coup d’œil furtif à la tour. Il lui sembla voir une ombre derrière la fenêtre en ogive. Elle saisit la main de sa sœur.
    — Je n’aime pas cette maison. J’ai peur, murmura-t-elle.
    — Moi aussi. Surtout, ne fais pas de bêtise, j’ai pas envie que papa nous laisse ici.
    Ils passèrent dans une entrée décorée de tableaux de saints et de vierges à l’enfant, puis arrivèrent dans un grand salon. Les murs étaient recouverts d’un papier peint fleuri, jauni par le temps. Des reproductions de scènes parisiennes étaient accrochées un peu partout ainsi que des portraits du siècle dernier. Trois buffets avec des portes vitrées laissaient découvrir une collection impressionnante de services à vaisselle de différentes factures. Assiettes d’une blancheur immaculée, plats en porcelaine, flûtes en cristal coloré, gobelets en argent, carafes gravées au fil d’or, comme si la propriétaire des lieux avait l’habitude de recevoir des invités par dizaines pour des repas de gala.
    — Asseyez-vous. Il y a du lait, du chocolat et des gâteaux au beurre pour vous, les enfants. Et, toi, André ? Toujours le vieil armagnac de Bérenger ? Il n’en reste plus que deux bouteilles, le temps a passé.
    — Avec plaisir, Marie.
    Elle prit une bouteille recouverte d’une étiquette noircie et versa généreusement une rasade dans deux verres ciselés. Hannah allait se précipiter sur les

Weitere Kostenlose Bücher