Au bord de la rivière T4 - Constant

remettre. Qu’est-ce que tes parents disent de tout ça ? demanda-t-il en ne la quittant pas des yeux.
    — Pas grand-chose, finit par dire la jeune fille après un instant d’hésitation.
    — Comment ça ?
    — Mon père trouve que t’as du front tout le tour de la tête de t’endetter comme ça.
    — J’espère que tu es pas allée leur raconter que Constant Aubé me prête cet argent-là sans me charger des intérêts.
    — Pas de danger ! s’offusqua-t-elle. Là, il faut que je te laisse, ma mère a l’air de me chercher. Elle est prête à rentrer.
    — Leur as-tu dit que ma mère t’invitait à souper à soir ?
    — Oui, mais ils trouvent pas normal que je les laisse tout seuls un soir de Noël.
    Hubert espéra contre toute attente que les Dionne avaient songé enfin à l’inviter à leur souper de Noël, mais l’invitation ne vint pas, ce qui l’insulta profondément.
    — Bon, finit-il par dire un peu sèchement, on se verra plutôt samedi prochain parce que moi aussi, si je manque le souper de Noël chez nous, ça va faire de la peine à ma mère.
    — C’est comme tu voudras, répliqua Angélique d’une voix changée en s’apercevant soudain que son amoureux se sentait insulté.
    Sur ces mots, elle l’abandonna sur place pour aller rejoindre ses parents.
    De retour à la maison, seuls Donat et Hubert mangèrent un morceau de pâté à la viande et un peu de tarte avant d’aller se mettre au lit. La journée de Noël promettait d’être longue et passablement animée chez les Beauchemin.
    Le lendemain après-midi, la maison des Beauchemin se remplit rapidement d’invités. Xavier, Catherine et Constance furent les premiers à arriver, suivis de près par Emma, Rémi et leurs trois enfants ainsi que par Camille, Liam Connolly et leurs enfants. Constant Aubé fut le dernier à se présenter à la porte.
    Les manteaux furent empilés sur le lit d’Eugénie et Donat, et la maîtresse de maison s’empressa d’envoyer les hommes fumer dans la cuisine d’été où le poêle avait été allumé au début de l’avant-midi pour rendre la pièce plus confortable.
    — Ton oncle est pas venu avec vous autres ? demanda- t-elle à Liam en se rendant compte de l’absence de Paddy Connolly qu’elle avait invité par pure charité chrétienne.
    — Il avait déjà été invité à souper par les Dionne, madame Beauchemin, répondit son gendre. Il a pas voulu les insulter.
    Personne ne sembla remarquer le mécontentement qui se peignit alors sur les traits de Hubert quand il apprit que les parents d’Angélique avaient préféré inviter à leur table le retraité pompeux et désagréable plutôt que l’amoureux de leur fille unique. Sans être rancunier, il se promit de leur faire payer ça un jour ou l’autre.
    Pendant que les hommes parlaient de leur travail quotidien sur leur terre à bois, les femmes, rassemblées dans la cuisine, s’entretenaient de la santé des enfants. Bernadette, rayonnante, berçait Damian, qui, âgé d’à peine un mois, était déjà un gros bébé joufflu. Pour sa part, Ann s’était emparée de Marthe et s’amusait à faire rire l’enfant aux traits mongoloïdes en la chatouillant, pour le plus grand plaisir de Flore et Joseph qu’Alexis cherchait à entraîner à l’écart pour jouer avec lui.
    Quand l’heure du souper approcha, Marie confia Constance à la petite Flore pour aller rejoindre Catherine, Camille et Emma qui avaient entrepris de dresser le couvert.
    — On va faire manger les enfants d’abord, déclara la maîtresse de maison.
    Quelques minutes plus tard, Camille se retira dans la chambre de son frère Donat pour donner le sein à Damian pendant que tous les autres enfants de la famille mangeaient un bol de soupe aux légumes, du ragoût de boulettes et du pâté à la viande. Ils firent aussi honneur aux tartes et aux beignes quand vint le moment du dessert. Encore une fois, ce fut Ann qui se dévoua pour manger avec les enfants de manière à être capable d’aller les amuser pendant que les adultes souperaient.
    Évidemment, on rappela durant le repas beaucoup de souvenirs de Baptiste, disparu l’année précédente et, au moment du dessert, Hubert annonça officiellement aux membres de sa famille qu’il allait se porter acquéreur de la ferme de Tancrède Bélanger. Xavier, Catherine, Liam, Camille, Rémi et Emma affichèrent un air surpris en apprenant la nouvelle.
    — Vous viendrez pas me dire que personne parmi