Au Pays Des Bayous
sa position géographique, se trouva d'emblée soumise à la Compagnie des Indes occidentales.
Cette dernière fut créée, à l'initiative de Colbert, le 28 mai 1664, par un édit royal qui réorganisait l'ancienne compagnie, dite de la Terre-Ferme ou des Isles d'Amérique. La décision royale attribuait pour quarante ans à la nouvelle société commerciale Cayenne, la partie du continent sud-américain comprise entre l'Amazone et l'Orénoque, le Canada, l'Acadie, Terre-Neuve, toutes les îles et terres fermes du Canada jusqu'à la Virginie, déjà colonisée par les Anglais, et la Floride, que tenaient les Espagnols. La côte d'Afrique, des îles du Cap-Vert au cap de Bonne-Espérance, figurait aussi dans l'apanage. La dotation de cet empire immense et morcelé, aux frontières floues, sans cesse menacées par l'impérialisme des autres puissances, était assortie de privilèges extraordinaires. La compagnie se voyait déléguer une autorité souveraine et absolue sur les territoires et les populations des contrées considérées. Elle recevait des primes à l'exportation et à l'importation des marchandises, bénéficiait de la fourniture de navires, de l'envoi, aux frais de l'État, de colons, de troupes, d'outils, d'instruments aratoires, et s'arrogeait l'exclusivité du commerce de la fourrure.
La seule contrainte imposée aux actionnaires était l'interdiction formelle de commercer avec les pays étrangers, qui auraient pu, par secteur, offrir des débouchés aux productions des colonies françaises et fournir à celles-ci des denrées et des produits manufacturés à moindre prix que ceux envoyés de France pour assurer, dans bien des cas, la survie des colons. Ce protectionnisme avant le terme méconnaissait les lois économiques les plus élémentaires et constitua très vite un handicap pour les compagnies françaises, face aux concurrentes anglaises et hollandaises. Ces dernières jouissaient peut-être de moins de libéralités gouvernementales mais disposaient en revanche d'une liberté commerciale très profitable à leurs actionnaires et aux économies nationales.
Jean-Baptiste Colbert, considéré en son temps par les historiens comme « modèle administratif et commercial pour le reste de l'Europe », ne concevait d'activité commerciale coloniale qu'exclusivement réservée à la France. Le colbertisme, car on en fit une doctrine, réduisait les colonies au rang de comptoirs commerciaux.
Pour ce ministre, ordonné et méthodique, ayant le sens de l'État, une colonie ne devait vivre que par et pour la métropole. Entrait sans doute dans cette conception la crainte, politique et stratégique, de voir un territoire, devenu assez prospère pour vivre en autarcie, se séparer de la nation mère et suivre son propre destin. Les Anglais, à partir de 1776, firent l'amère expérience de cette évolution avec leurs colonies d'Amérique.
Dès 1664, la conception restrictive de Colbert était clairement exprimée : « Il ne faut pas qu'il se constitue, aux colonies, une civilisation constante […] ; il ne faut pas que les colons perdent un seul jour de vue qu'ils sont français et qu'ils doivent, un jour, revenir en France », disait-il. Le ministre et ses amis estimaient donc que le système des compagnies à monopole conjurait les dangers d'un déviationnisme commercial pouvant conduire à d'ingrates sécessions.
Avant Colbert, François I er , au cours d'entretiens avec les ambassadeurs de Charles Quint et de Jean III de Portugal, orfèvres en matière de colonisation, avait exprimé une doctrine différente et beaucoup plus moderne. « Ce n'est pas la découverte qui crée la possession, mais l'occupation permanente des lieux », disait-il. Le vaincu de Pavie rêvait à la constitution d'un empire, le ministre de Louis XIV se satisfaisait d'import-export !
Si la prudence mièvre sied aux boutiquiers, en matière de grand commerce le risque a toujours été la règle. C'est un facteur de stimulation, l'aiguillon du dynamisme collectif et individuel, une incitation à fournir plus et meilleur que les autres. Le profit est la récompense des inventifs, des audacieux et des ardents. La faillite la punition des timorés, des velléitaires et des pleutres. Telle est la loi des affaires. Il ne faut pas chercher la morale où elle ne se peut trouver. D'honnêtes commerçants font de mauvaises affaires, des mercantis font fortune, mais il arrive heureusement que ce soit le contraire… et
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