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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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repoussé toute idée de mariage.
    — Je… je ne comprends pas, Yvette. Tu ne m’aimes pas ?
    — Écoute-moi, Vincent. Je suis vraiment bien avec toi. Je veux
     chanter avec toi… mais je vais pas vivre avec toi, je vais garder mon
     appartement.
    — Tu me demandes de... de s’accoter ? Yvette, je veux être ton mari, moi ! Je
     veux que tu portes mon nom, mes enfants !
    Le visage d’Yvette s’était durci.
    — C’est ce que je peux te donner.
    — C’est un genre de vie qui ne se fait pas ! Qu’est-ce que les gens vont
     dire ?
    — J’en ai plus rien à faire de ce que pensent les autres, les curés ou même mes
     parents.
    — J’ai l’impression d’entendre Mathieu…
    — À cause de cette maudite société bien-pensante, j’ai abandonné mon
     fils.
    — Raison de plus pour qu’on se marie ! On pourrait aller le chercher !
    — Jean est heureux en Europe. La sœur de madame Bizier en prend soin comme de
     la prunelle de ses yeux. Il est gâté, adoré… Je l’aime assez pour jamais
     l’arracher à cette vie que j’ai pas pu lui offrir. Il connaît mon existence. Je
     lui écris régulièrement. Un jour, quand mon fils sera un homme, il viendra me
     voir, ici au Québec, s’il le désire…
    — Après ce qu’on a fait ensemble, si tu devenais enceinte ?
    Yvette lui avait doucement caressé la joue.
    — Arrête de t’en faire, Vincent. J’aurai jamais d’autres enfants.
    Une toute nouvelle pilule venait d’être inventée. Des filles anglaises, des
     protestantes qui travaillaient avec elle, lui en avaient parlé. Elles se
     procuraient leur contraceptif depuis les États-Unis. Yvette n’avait pas hésité à
     les imiter. Pour elle, cela avait tant représenté, de pouvoir enfincontrôler son corps, sa vie… Peu importait les risques sur sa
     santé.
    Vincent avait l’air si triste, si désemparé. Avec douceur, elle lui avait
     dit :
    — Je vais comprendre si tu préfères te chercher une autre fille qui voudra te
     marier et te rendre père. Je vais avoir de la peine de te perdre… mais je vais
     comprendre.
    Vincent avait arpenté la chambre, réfléchissant, accusant le choc de ces propos
     ahurissants. C’était à mille lieues de ce qu’il avait pu imaginer ! Sa décision
     prise, il l’avait embrassée avec une infinie douceur. Yvette avait associé ce
     baiser à un adieu. Elle avait essuyé une larme en murmurant :
    — Je comprends, j’te dis. C’est beaucoup te demander…
    — Yvette Rousseau… Ma musique devient belle juste si c’est toi qui
     l’interprètes. Interprète ma vie, à ta façon, je m’en fous, mais interprète ma
     vie…
    Vincent avait accepté son arrangement. Depuis trois mois, ils se fréquentaient
     et vivaient des jours heureux. Avec horreur, elle s’aperçut de l’heure tardive.
     Ses patrons ne lésinaient pas sur les représailles envers les employés
     retardataires. Ce soir, quand elle rentrerait de l’ouvrage, elle aurait une
     conversation avec son paresseux de frère. Si Adélard croyait pouvoir vivre chez
     elle comme à l’hôtel, il se trompait !

    — Tu comprends, Mélanie, les femmes doivent sortir de leur isolement. Il faut
     arrêter de faire semblant que tout va bien.
    — C’est pas si pire ! Je suis pas malheureuse.
    — C’est parce que tu es tombée sur un bon gars. Mon fils, c’est de la crème. Y
     en a plusieurs qui ont pas cette chance. Celles-là, je veux les aider.
    Tout en lavant la vaisselle du déjeuner, Mélanie cacha un
     demi-sourire. Pour sa belle-mère, Pierre n’était pas loin d’être de l’or en
     barre. Dès l’aube, les hommes étaient partis travailler. La construction du
     chalet d’Henry allait bon train. Ils profitaient au maximum de ces belles
     journées d’automne. Avec un pincement au cœur, Mélanie se dit qu’elle allait
     trouver la semaine longue. Elle s’ennuyait déjà ! Le chalet étant à plus d’une
     heure de route, c’était plus pratique pour Pierre et son père de rester sur
     place et de ne revenir qu’à leur jour de congé.
    — J’aimerais ça, apprendre à conduire, dit-elle.
    Ainsi, elle pourrait monter au lac Saint-Jean elle-même, visiter sa famille,
     faire des sorties !
    — C’est une très bonne idée. François-Xavier a jamais voulu me montrer.
    Mélanie jeta un œil sceptique à sa belle-mère. Étrange d’entendre de telles
     paroles de soumission de sa part.
    — Faut dire que j’ai jamais insisté,

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