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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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maman ! vous êtes trop délicieuse.
    — C’est parfait.
    Lucie n’avait jamais assez d’admirateurs.
    — Maintenant, vous allez courir vous coucher, n’est-ce pas ? Dieu, que j’aimerais rentrer dans ma bonne nursery plutôt que d’assister à ce dîner bruyant ! Pas vous, Sébastien ?… Bonne nuit, ma chérie ! Venez, Sébastien… J’aurai besoin de vous, ce soir, Button, naturellement… Passez devant, Sébastien, et ouvrez les portes. Mon Dieu ! mon Dieu ! comme ces enfants m’ont mise en retard ! Sébastien, vous vous excuserez auprès de la vieille Octavia, et vous lui direz que c’est votre faute. Mon éventail, Button ! Sapristi, ma fille, qu’est-ce que vous faites ici ? Il faut toujours que je pense à tout !
    * * *
    Oh ! ces repas ! Ces repas interminables, extravagants, dont ils se gorgeaient toute l’année ! Sébastien se demandait comment ils pouvaient bien y résister ; mais il se rappela que, chaque année, ils allaient à Hambourg ou à Marienbad pour vider leur corps de ces excès de nourriture et recommencer, bien entendu, l’année d’après. En somme, Marienbad et les vomitoriums romains ne différaient guère. Pourquoi la nourriture tenait-elle tant de place dans la vie sociale ? Ils étaient en train de manger des cailles enfaisant de l’esprit. Ces cailles, c’était une spécialité bien connue de Chevron : un ortolan à l’intérieur de la caille, une truffe dans l’ortolan, et du foie gras dans la truffe.
    Sébastien, assis au bout de la table, regardait les mâchoires s’agiter de haut en bas et souffrait de voir toujours les gens comme des caricatures. Sir Harry Tremaine, parfait courtisan, aux cheveux blancs ondulés, tournait la tête, au-dessus de son haut col, avec des mouvements brusques d’oiseau ; Mme Lewison, avec sa voix cassée et ses cheveux crépus, ressemblait à une éponge jaune. Tous ces gens portaient des noms familiers aux lecteurs des échos mondains. Ils ressemblaient aux marionnettes d’un ventriloque. Quatorze d’un côté, quatorze de l’autre ; lui et sa mère à chaque bout, cela faisait trente. Puis, sa vision changea et il fut obligé d’admettre qu’ils étaient très décoratifs. Ils avaient tous l’air de s’accorder si parfaitement avec le cadre, comme s’ils n’avaient pas un souci au monde ; les bijoux scintillaient, les plastrons étincelaient, les valets entraient et sortaient, présentant les plats et versant les vins à la lumière d’innombrables flambeaux. Des guirlandes de verdure entouraient les lourds candélabres et les coupes chargées de raisins et de pêches. Oui, il fallait le reconnaître, les amis de sa mère avaient de l’élégance ; il aimait les épaules nues des femmes, leurs coiffures savantes, leurs jolies mains, leurs poignets chargés de bracelets, les nuages de tulle, et les roses retenues par une broche contre leur poitrine. Sa mère, elle-même, à l’autre bout de la table, comme un personnage irréel, était jeune et jolie ; un instant, il s’imagina qu’elle n’était pas samère, mais sa femme. Puis il aperçut le long nez du juif qui se penchait vers elle.
    — Un tuyau de Bourse, songea-t-il.
    Car sa mère lui avait expliqué, avec une candeur peu commune, pourquoi elle lui demandait d’être poli avec sir Adam. Cet amour de l’argent était une chose que Sébastien ne pouvait comprendre ; il était riche, sa mère jouissait de sa fortune jusqu’à sa majorité. Qu’avait-elle besoin de plus ?… Il n’écoutait pas ce que lui disait sa voisine. Cependant, Sébastien était fort bien élevé.
    * * *
    Après dîner, obéissant à un signe discret de sa mère, il alla rejoindre l’ambassadeur d’Italie. Il aimait bien le vieux Potini, spécialiste maniaque du caractère anglais. Sébastien, las et découragé (car il était dans un de ses mauvais moments), aurait été heureux de n’importe quelle controverse et savait que Potini le divertirait. Un verre de porto à la main, il approcha sa chaise et le vieux Potini commença immédiatement, roulant son cigare entre ses doigts :
    — Ah ! jeune homme ! Heureux jeune homme ! Vous arrivez d’Oxford, je crois ? Oui, Oxford, cette étrange université où les jeunes gens vivent à part ; une ville de mâles.
    L’anglais de l’ambassadeur était impeccable, quoiqu’un peu recherché ; ce qui trahissait son origine, c’est qu’il roulait les r .
    — Vraiment, cela serait impossible en

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