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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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ainsi…
    Oui, Sylvia était bonne pour lui, bonne pour son vieux George… Debout, sur le refuge où il attendait de traverser Park Lane, il la vit tout à coup sortir de Stanhope Gate dans sa victoria attelée de poneys, avec James assis derrière, droit, les bras croisés… Lord Roehampton salua très bas, et son cœur se remplit d’émoi.
    — Bel équipage, songea-t-il en regardant la voiture descendre à toute allure…
    Lord Roehampton n’aimait pas ces autos qui commençaient à envahir les rues…
    Il traversa le parc et continua sa promenade, délivré de tout souci. Le parc resplendissait de tulipes, et les lilas, près de Rotten Row, étaient en fleur ; les gens flânaient ou s’asseyaient sous les arbres en regardant passer les voitures ; il sembla à lord Roehampton que tout était particulièrement joyeux et animé, que les femmes, dans leurs robes légères, ressemblaient à des fleurs mouvantes, que les hommes, en vêtements noirs, les mettaient admirablement en valeur, avec leurs plastrons plus blancs et leurs chapeaux plus brillants qu’à l’ordinaire. Et s’il était de si bonne humeur, songea-t-il, c’est qu’il avait rencontré Sylvia sortant de Stanhope Gate ! Il trouva qu’il avait beaucoup de chance. Combien d’hommes pourraient en dire autant après vingt ans de mariage ?
    Accoudé à la barrière, il regarda passer l’escorte de la cavalerie royale, avec ses chevaux noirs, ses armes étincelantes, ses tuniques écarlates brillant au-dessus des culottes immaculées. Un jeune officier trottait aux côtés des cavaliers. Lord Roehampton reconnut Sébastien.
    — C’est un joli garçon, songea-t-il, un joli garçon…
    Et il soupira, parce qu’il n’avait pas de fils.
    * * *
    Cela gênait Sylvia que « l’été de Sébastien » coïncidait avec l’entrée dans le monde de sa fille. Elle avait longtemps cherché une excuse pour retarder d’un an la cérémonie, mais elle n’en avait pas trouvé ; Marguerite avait dix-huit ans, nul ne l’ignorait, et, malgré toute son audace, lady Roehampton était trop bien élevée pour violer les conventions qui voulaient qu’à dix-huit ans une jeune fille fût mûre pour affronter le monde et ses batailles. Elle aurait plutôt changé la date de Noël. Aussi, elle soupira et se résigna. Mais elle était bien décidée à se laisser envahir le moins possible par Margaret, tout en conservant les apparences d’une mère dévouée et consciente de ses devoirs. Cette idée en tête, elle résolut de consacrer un après-midi à promener Margaret chez ses tantes, qui avaient des filles, et qui accepteraient sans doute d’inviter Margaret à des réunions où le chaperonnage de sa mère serait superflu. Heureusement, George estimait ses sœurs (en réalité, c’étaient des dames d’une dignité irréprochable) et il trouverait certainement qu’en leur compagnie, et en la compagnie de ses cousines, Margaret rencontrerait des gens dont la conduite et la moralité conviendraient mieux à son ingénuité que les idées répandues chez les amis de sa mère. Sylvia essaya de sonder son mari, se demandant s’il jugerait la question avec le bon sens qu’elle espérait.
    — Voyez-vous, George chéri, je crois que j’ai été bien égoïste. J’aurais dû m’apercevoir que Margaret grandissait. J’aurais dû fréquenter des gens comme les Wexford (des gens charmants, à la vieille mode, sérieux, qui habitent Cadogan Square, et donnent un bal une fois l’an pour essayer de se débarrasser d’une nouvelle fille)… Combien sont-elles ?… On s’y perd. Je crois que c’est la neuvième qui fait son entrée dans le monde cette année ; ou bien la huitième. Enfin, lesWexford sont tout indiqués lorsqu’on sort une jeune fille pour la première fois. Peu importe aux jeunes gens où ils dansent, pourvu qu’ils dansent ! Et j’aimerais mieux que Margaret rencontre ses amies chez les Wexford (même s’ils sont un peu vieux jeu) que chez Julia Lewison ou chez Romola Cheyne… Oh ! Romola fait grande attention à ce qu’elle dit, mais on ne sait jamais jusqu’à quel point les jeunes filles entendent et remarquent ce qui ne leur est pas destiné. D’ailleurs, c’est l’atmosphère qui compte. Vous savez ce que je veux dire, George ? Et vos sœurs sont si gentilles qu’elles emmèneraient certainement Margaret avec elles lorsque vous et moi sommes obligés d’aller dîner dans des maisons où Margaret ne s’amuserait

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