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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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leur Alice. Lady O… ramassa sa traîne et fit des signes à Alice, que celle-ci n’eut pas l’air de comprendre. Pour la première fois de sa vie, elle ne prit pas garde à sa mère et à ses signes. Elle aimait tellement mieux regarder lady Roehampton et le duc !
    Puis James revint en courant, porta la main à son chapeau haut de forme et dit que la voiture de Madame la duchesse était avancée. Sylvia, ramassant ses jupes, avança délicatement, tandis que les chevaux s’arrêtaient et que James bondissait, la couverture sur le bras, pour ouvrir la porte. La nuit était chaude et la vitre du coupé était baissée. Sébastien s’y accouda. Il était tête nue et extrêmement pâle.
    — Sylvia, il faut que je vous voie.
    — Venez déjeuner demain.
    — Non, cette nuit.
    — Mais Sébastien, George…
    — Allons donc ! George est à Newmarket. Je serai chez vous dans un quart d’heure.
    — La voiture de lady Roehampton empêche d’avancer !
    — Vous ne pourrez pas entrer, dit Sylvia, je vais envoyer les domestiques se coucher.
    — Vous oubliez que j’ai la clef.
    — Je mettrai la chaîne.
    — Alors, je sonnerai.
    — La voiture de lady Roehampton empêche d’avancer !
    — Eh bien, s’il le faut, mais, au nom du ciel, que personne ne vous voie.
    — C’est tout ce qui vous préoccupe ?… Allez, James, fit Sébastien, en reculant d’un pas.
    * * *
    Une demi-heure plus tard, Sébastien pénétrait dans le hall de Roehampton House. Il entendit les grelots de son hansom s’éteindre peu à peu et le trot rapide de son cheval sur le pavé de bois de Curzon Street. Il avait froid et chaud tour à tour et une douleur aiguë martelait sa tête. Lorsqu’elle l’entendit fermer doucement la porte, Sylvia sortit de la bibliothèque et, un doigt sur les lèvres, le fit entrer. Des bûches flambaient dans la cheminée, une lumière voilée était sur la table. Ils étaient tous les deux debout, l’un devant l’autre. Sylvia était encore enveloppée de sa cape cerise d’où sa beauté émergeait comme un portrait de son cadre ; mais Sébastien remarqua, non sans une certaine satisfaction, qu’elle était extrêmement nerveuse. Elle avait pris un coupe-papier et s’en tapotait les doigts.
    — Êtes-vous complètement fou, Sébastien, de venir ici au milieu de la nuit ?
    — Ce n’est pas la première fois, dit-il en la regardant.
    — Dites-moi ce que vous avez à me dire, et partez vite. Ne parlez pas trop fort. Je crois que tous les domestiques sont montés, mais est-on jamais sûr ? Malgré votre susceptibilité ridicule, vous pouvezpeut-être me montrer un peu d’égards. Qu’y a-t-il ? Pourquoi ne parlez-vous pas ?
    Mais Sébastien demeurait silencieux. Les mots s’étranglaient avant d’arriver à ses lèvres. Il regardait attentivement un petit objet qui n’avait nul rapport avec ses pensées, comme si c’était la seule chose qui importât au monde : c’était un petit lapin chinois de cristal placé sur la table juste au-dessous de la lampe. Sébastien avait déjà vu ce lapin plus de mille fois ; c’était lui, d’ailleurs, qui l’avait donné à Sylvia. Il lui était aussi familier que tous les autres objets posés sur les tables : les coupes en céladon, les cendriers de jade, les boîtes à cigarettes de Fabergé, les pendulettes de Cartier.
    Ses yeux quittèrent le lapin pour errer à travers le salon, ce salon dont il avait été l’hôte assidu, et qui ressemblait à tant d’autres pièces qu’il connaissait, belles en leur genre, mais sans caractère, conventionnelles, correctes, cette pièce avec son épais tapis gris, ses chaises au petit point, les Romney et les Raeburn, le grand paravent de Coromandel, les portes en acajou, et tous les bibelots, ces cadeaux de Noël pour la plupart échangés entre amis qui ne se souciaient nullement les uns des autres, mais qui, sans discuter, respectaient cette mode coûteuse, en s’offrant des babioles taillées dans une pierre aussi dure que leur cœur ou montées sur un émail aussi prétentieux que leurs protestations d’amitié. Il avait presque oublié ce qui l’avait amené là ; il pensait seulement que les gens qu’il fréquentait ressemblaient à leurs maisons : elles n’étaient pas vulgaires, ni ostentatoires, non, plutôtcompassées, d’un goût parfait, mais froides et insignifiantes.
    Sa liaison avec Sylvia n’avait-elle pas le même caractère ? Il la regardait, debout près

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