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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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éléments de décence, d’honnêteté et de respect mutuel. J’aurais voulu que la civilisation se développât sur ces bases. Nous sommes loin du jour où les laboureurs n’étaient pas payés, où nous leur coupions les oreilles et leur fendions le nez quand ils volaient un morceau de bois. L’industrie se développe trop. La campagne anglaise se meurt. Des gens comme moi et comme Wickenden n’ont plus qu’à se mettre le dos au mur. Naturellement, nous n’aimons pas cela.
    Viola se mit à rire :
    — Cher Sébastien, je vous vois quand vous serez vieux, enfermé entre les murs de Chevron, disant que le pays va à la ruine… Un parfait tory ! Quel malheur que vous n’ayez pas vécu en 1850 !
    — Puisque vous avez liquidé Sébastien le gentilhomme, parlez-moi, maintenant, de Sébastien le Beau Jeune Homme.
    — Je ne l’aime pas. Il pèche contre lui-même, et joue la comédie. Il est beau et charmant, il a de bonnes manières, il s’habille à merveille. Il fait tout ce qu’il faut faire. Il danse, il joue au polo, il va aux courses, il flirte – oh ! comme il flirte ! Il fréquente des gens qu’il méprise, mais naturellement, il ne leur laisse jamais soupçonner qu’il les méprise. Il fait semblant d’adopter leurs théories et il y réussit admirablement… Est-ce que je me trompe ? Ou est-ce parce qu’il est jeune et qu’il veut s’amuser ?
    — Fort heureusement, il a une sœur qui lui dit quelques rudes vérités…
    Lucie entra.
    — Assis dans le noir, les enfants ?
    — Nous parlions très sérieusement, dit Sébastien, et, se levant, il embrassa sa mère, à la grande surprise de celle-ci, car il n’avait pas l’habitude d’être aussi expansif.
    * * *
    Chevron était encore plus beau l’hiver que l’été ; ainsi pensait Sébastien ; mais Sébastien, quelle que fût la saison, trouvait toujours Chevron plus beau… Il était là depuis deux jours, seul avec sa mère et Viola, déjà conquis par l’âme de sa terre. On attendait les invités, et Sébastien, qui avait tant désiré la venue de Thérèse, était, maintenant, exaspéré à la pensée que la maison allait être pleine de monde. Et Thérèse viendrait encore compliquer les choses. Il se connaissait assez pour savoir qu’il allait jouer la comédie, retranché derrière un personnage que Thérèse attendait de lui et qu’il se haïssait de jouer : oh ! qu’il souhaitait n’avoir jamais invité Thérèse !
    Enfin, elle était encore à vingt-cinq milles de Chevron et il faisait bon se promener dans le parc, par ce matin de givre. Il erra autour des murs, croisa un chariot qui transportait un tronc d’arbre et deux jardiniers qui poussaient une voiture chargée de betteraves et de pommes de terre. Il entra sous le hangar et trouva le vieux Turnour en train de fendre du bois…
    Le vieux Turnour, le visage entouré d’un collier de barbe blanche, leva la tête, sourit, porta la main à son chapeau, et se remit à son travail.
    — Comment allez-vous, Turnour ? Beau temps, n’est-ce pas ?…
    — Assez beau, Votre Grâce, mais ce n’est pas de saison !… Pas de saison.
    — Mais il fait froid, Turnour. Vous attendiez peut-être de la neige pour Noël ?
    — Ah ! le temps n’est plus ce qu’il était, Votre Grâce. Un Noël sans neige, ça n’est pas un vrai Noël.
    — Je crois que la neige ne va pas tarder, Turnour… Et comment vont les rhumatismes ?
    — Pas trop mal, Votre Grâce, à tout prendre. Mais je me fais vieux, et ça se sent.
    — Soixante-dix-huit ans, eh, Turnour ?
    — Oh ! Votre Grâce a autant de mémoire que feu son père. Soixante-dix-huit ans, oui. Soixante-dix-neuf à Pâques.
    — Eh bien, Turnour, Noël vous réserve une surprise, ainsi qu’à tous ceux qui travaillent au domaine :cinq shillings par semaine d’augmentation à partir du 1 er  janvier.
    — Non ! Votre Grâce, ce n’est pas possible ? dit Turnour, abandonnant sa hache, et rejetant son chapeau en arrière pour regarder son maître. Oh ! ils seront les bienvenus, avec les prix qui montent tous les jours ! Ah ! moi, j’ai toujours dit : « Un gentleman , c’est un gentleman  ; mais Sa Grâce, lui, n’est pas un gentleman comme les autres. Et j’avais raison, en voilà la preuve !
    — Ce n’est pas cela, Turnour, fit Sébastien, poussé par l’honnêteté. Moi, je puis me le permettre ; les autres, eux, ne le peuvent pas toujours !
    — Ah ! Votre Grâce en

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