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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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était-il heureux d’avoir brisé la porte de la cabane ; cela ennuierait Diggs, et Diggs ne pourrait pas se plaindre. Et Wickenden serait obligé de la réparer. Sa Grâce pouvait faire chez elle tout ce qui lui plaisait… Entre-temps, il avait trouvé les outils.
    Ce ne fut pas un bonhomme qu’ils firent, mais une bonne femme. Rien n’y manquait, ni les boutons du corsage, ni le chignon, ni le chapeau penché sur le nez, ni les deux cailloux pour les yeux. Un calme absolu régnait alentour, le calme qui accompagne les lourdes chutes de neige et qui, pour Sébastien, élevéà la campagne, était dans l’ordre des choses ; mais Thérèse, la petite cockney, trouvait cela extraordinaire et prédisait un orage. Sébastien se moqua d’elle, mais affectueusement, en des termes tout différents de ses monosyllabes de la matinée.
    — Un orage ! Mais cette neige, à moins d’un brusque dégel, va durer plusieurs jours ; demain, vous verrez le village entier faire du toboggan dans le parc. Notre bonne femme aura un glaçon au bout du nez !
    Thérèse, agenouillée sur le sol dur, le visage rayonnant sous son chapeau, riait en secouant ses mains chargées de neige. Sébastien pensa qu’elle était délicieuse, qu’elle était charmante, et il ne souhaita plus la compagnie de Mme Lewison ni de lady Templecombe.
    * * *
    — Dans quelques instants, je vais aller donner les cadeaux aux enfants, dit Lucie après le thé. Il faudra organiser la partie sans moi. Quel ennui que ces fêtes ! Enfin, il faut les endurer…
    — Quels sont ces enfants, chère Lucie ?
    — Mais les enfants de Chevron ! Chaque année, à Noël, nous leur faisons un arbre. C’est pourquoi nous ne pouvons jamais dîner dans le hall la veille de Noël, et j’ai toujours eu tellement peur que Sébastien et Viola n’attrapent quelque maladie ! À vrai dire, je trouve que nous ne devrions pas gâter ainsi ces malheureux enfants ; cela ne fait que leur donner le goûtdes choses qu’ils ne peuvent pas avoir ; mais c’est bien difficile de supprimer une coutume qui dure depuis toujours.
    — À mon avis, dit Mme Lewison, qui n’avait ni domaine ni enfants à recevoir, nous faisons beaucoup trop pour ces gens-là. Nous instruisons leurs enfants pour rien, – et je crois que, la moitié du temps, cela les ennuie –, nous leur construisons des hôpitaux, nous leur donnons de vieux vêtements chauds et nous les faisons entrer à l’hospice : que veulent-ils de plus ? Alfred de Rothschild donne même aux conducteurs d’autobus une paire de gants et un couple de faisans à Noël…
    — Nous donnons toujours à nos batteurs un lièvre et un faisan, après la chasse, remarqua lady Templecombe.
    — Ils l’ont bien gagné !… fit lord Templecombe inopinément. Aimeriez-vous plonger à travers les haies et les ronces du matin au soir et déchirer vos vêtements ?
    — Mais, Eadred, vous savez bien que cela leur plaît, dit Lucie, avec son rire léger. Vous êtes aussi terrible que Sébastien. Savez-vous ce qu’il vient de faire ? Il a donné à chaque homme une augmentation de cinq shillings par semaine. Avez-vous jamais entendu pareille folie ?
    — Mon cher enfant, dit lord Templecombe en ajustant son lorgnon pour dévisager Sébastien, pour quelle raison avez-vous fait cela ? Ce n’est pas mon affaire, évidemment, mais c’est une grave erreur… Une grave erreur… Vous gâtez le marché pour les gens moins riches que vous… D’ailleurs, ils ne vousen sauront pas gré. Ils attendront davantage, voilà tout.
    Ils regardèrent tous Sébastien comme s’il avait commis un crime.
    Vigeon, suivi de deux valets qui portaient des plateaux, vint pour débarrasser la table.
    — Les enfants sont prêts ; quand Votre Grâce voudra…, chuchota-t-il à l’oreille de Lucie.
    — Oh ! mon Dieu !… Enfin, allons-y ! dit Lucie en quittant son canapé, et finissons-en… Il faut toujours se débarrasser des choses ennuyeuses le plus vite possible. Et faire aussi bien qu’on peut les choses qu’on a décidé de faire. Ainsi, je mets toujours ma plus jolie robe pour les enfants ; je suis sûre qu’ils sont contents. En tout cas, leurs mères le sont. Venez, Viola. Venez, Sébastien. Vous allez m’aider tous les deux.
    Thérèse prit une grande décision : elle savait que les dames n’iraient pas à l’arbre de Noël ; mais, d’abord parce qu’elle appréhendait de rester seule avec elles, ensuite parce qu’elle

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