Avec Eux...
raison à tout cela.
Pour éclaircir la situation, je monte au quatorzième étage de la tour, où se trouve le bureau dâÃtienne Mougeotte. Après avoir salué Soizic, son assistante, je ne peux me retenir de taper vigoureusement à sa porte. Quelques secondes plus tard et en dépit de mon emportement, Ãtienne Mougeotte me reçoit :
â Pascale a un vague projet, mais cela nâa rien à voir avec ce que tu fais. Ce nâest pas un prime !
â Comment ? Tu vas donc diffuser ces deux programmes lâun derrière lâautre, alors quâils parlent exactement de la même chose ? Paris-Match dâun côté, Libération de lâautre ? Tu ne peux pas faire cela, Ãtienne !
Je vois bien que ma colère semble lâembarrasser autant que le lasser, aussi coupe-t-il court à notre conversation en mâassurant que « rien nâest fait ».
Je lui fais confiance, comme toujours ! Il mâencourage à continuer mon travail et je mâexécute, en dépit des doutes qui mâassaillent. Quel intérêt aurait-il à me mettre en concurrence avec Pascale Breugnot ? Imagine-t-il provoquer ainsi une surenchère de créativité ? Lâun des deux programmes est-il voué à lâéchec ? Pascale et moi avons toutes les deux un tempérament explosif, à lâorigine dâune certaine animosité professionnelle entre nous. Je mâen méfie profondément car elle a toujours cherché à se positionner sur le même créneau que le mien. à TF1, deux clans se sont créés, très démarqués : les « pro-Cantien » et les « pro-Breugnot ». Le matin, nous ne nous adressons jamais la parole. Câest une guerre souterraine de longue haleine.
Après mon face-à -face avec Ãtienne Mougeotte, je décide de me tourner vers Patrick Le Lay. Même calme légendaire,même réponse : « Ne tâinquiète pas, Dominique. » Ne tâinquiète pas, dâaccord, mais lorsque je redescends dans mon bureau du onzième étage, jâai de plus en plus le sentiment que ma hiérarchie me met volontairement en confrontation frontale avec Pascale Breugnot. Laquelle des deux aura raison de lâautre ? Secouée, jâappelle Michèle Cotta, directrice de lâInformation, pour quâelle mâéclaire. Elle me rejoint et nous partageons avec mes collaborateurs des petits verres dâune excellente vodka qui traîne par là . Un vent de révolte commence à souffler à lâétage. Emportée par nos discussions, peut-être grisée par la vodka et en tout cas ulcérée par un profond sentiment dâinjustice, je compose subitement le numéro de Patrick Le Lay sur mon téléphone : « Mister président, tu nâas vraiment pas de couilles ! »
La phrase est lancée⦠Je raccroche, fière dâavoir défendu mes équipes par cette apostrophe définitive.
« Dominique, te rends-tu compte de ce que tu viens de dire ? sâécrie Michèle Cotta, abasourdie. Avec ces propos-là , ton programme ne verra jamais le jour ! »
La vodka aidant, je commence à être assez énervée pour lui rétorquer : « Si je ne le fais pas, je le colle au plafond ! » Joignant le geste à la parole, je repars à lâassaut du quatorzième étage, laissant Michèle sans voix dans mon bureau. Quand jâarrive là -haut, la discussion avec Patrick le Lay tourne rapidement au duel sans merci, aucun de nous ne voulant céder.
â Mais enfin, calme-toi ! me lance-t-il. Il ne sâagit que dâun programme de télévision, Dominique !
â Mais que fait-on dâautre ici que des programmes de télévision ? protesté-je. Nous ne changeons pas le sort de la planète !
â Pourtant, câest bien ton ambition, non ?
Mue par une force intérieure indescriptible, je sors littéralement de mes gonds : « Câest un programme comme les autres, mais tu ne peux pas en diffuser deux, alors prends une décision ! » Devant mon ton péremptoire, Patrick met immédiatement un point final à notre conversation : « Redescends dans ton bureau et remets-toi au travail, Dominique ! »
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