Avec Eux...
France sur le tournage de je ne sais plus quelle émission, il mâa envoyé son avion privé pour mâemmener dans le Nord, afin dâassister aux funérailles de mon père. Je ne sais pas comment lâexpliquer : il nây a quâen France quâon peut penser que câest une pure folie dâagir de la sorte. Pour lui, câétait une manière de me dire quâil était accro à moi, que jâétais indispensable à sa chaîne de télévision, et que, au-delà des facilités que lâargent et le pouvoir donnent à certaines personnes très haut placées, lâaspect simplement humain nâest jamais négligé.
Il était tellement accro quâil comptait sur mes intuitions pour toutes sortes de domaines apparemment opposés, dans le métier de la télévision : aussi bien les variétés que les programmes pour la jeunesse, les jeux, les magazines artistiques⦠Jusquâà 30 millions dâAmis  ! Il fallait que je mette mon nez partout. Ãa faisait effectivement beaucoup. Je tenais à bout de mes frêles bras plus de 50 % de la grille, parfois même plus, en gros tout ce qui existait comme territoires à coloniser entre les rédactions, le sport et la fiction. Câétait colossal à lâépoque. Ce le serait encore plus aujourdâhui⦠Dâautant que jâavais une liberté totale et des sortes de super- pouvoirs, comme un héros de chez Marvel.
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Jâai par exemple fait venir Mathias Rust, un jeune Allemand de dix-neuf ans qui sâétait fait connaître du monde en déjouant les radars soviétiques et en se posant sur la placeRouge avec un Cessna 172 modifié, le 28 mai 1987. Il était parti dâHelsinki, avait survolé lâespace aérien soviétique sur huit cents kilomètres avant de se poser sur la place emblématique, à cent mètres du Kremlin, où il avait signé quelques autographes à des passants sidérés avant de se faire arrêter par la police. Son idée loufoque, câétait de promouvoir la paix dans le monde par un exploit inédit.
Quelque temps plus tard, on enregistrait une émission en direct de la Villette. Câétait Nicolas qui, une fois encore, présentait le show. Je lui faisais tout faire, finalement ! Câétait un prime time consacré à des actes extraordinaires, et donc nous avons décidé de le faire venir en France. On avait même passé une annonce dans le 20 heures de la veille, pour prévenir que le jeune fou volant serait dans ce show, parce quâil était quand même assez connu. Dans la foulée de son geste incroyable, Rust avait été condamné à quatre ans de prison et de camp de travail, pour hooliganisme, franchissement illégal de frontières et non-respect des règles de lâaviation. Il avait finalement été libéré et renvoyé en Allemagne après un peu plus dâun an dâenfermement, où il avait perdu dix kilos et pas mal de neurones.
Comme on était en direct, je me suis dit que le meilleur coup quâon pourrait faire serait dâavoir ce type sur le plateau. On lui a donc envoyé un avion privé, on avait supplié sa mère dâintercéder pour quâil accepte, on avait même fait ouvrir lâaéroport du Bourget à minuit parce quâon avait fini par le convaincre, mais quâil voulait être de retour chez lui, à Munich, le soir même. On avait vraiment tous les pouvoirs à cette époque !
Cette histoire finit par ressembler à une opération militaire : à midi, je reçois un coup de téléphone de sa mère qui mâannonce quâil ne viendra pas finalement, parce quâil areçu des menaces politiques. Lâannonce de sa venue dans le 20 heures, la veille, ainsi que différents articles dans la presse avaient alerté lâambassade dâAllemagne de lâEst à Paris. Nous étions mal partis, mais jâai refusé de lâcher lâaffaire, ai remué ciel et terre, déniché un copain à lui, un peu baroudeur et beaucoup mercenaire, pour aller me le chercher. Le type a débarqué à lâaéroport de Munich, il a loué une voiture et il est arrivé dans une vieille maison, avec la mère qui disait : « Non, non, il est malade,
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