Avec Eux...

inventé le concept de la météo décalée : il se déguisait en grenouille quand il pleuvait, il inventait des saynètes délirantes, avec une petite voiture qui tombait en panne quand il y avait des grêlons, il révolutionnait le genre. La météo, jusque-là, c’était vraiment coincé, pour ne pas dire chiant.Ça n’avait pas bougé depuis les débuts de la télévision. Lui a fait exploser le cadre, il y a injecté de l’humour, de la fantaisie et du second degré. Depuis, Canal Plus est d’ailleurs resté sur cette ligne, entre la météo incontrôlable de Dominique Farrugia chez les Nuls et la théorie de jolies filles qui se succèdent au Grand Journal .
    Christophe Dechavanne ne rassemblait qu’une audience infinitésimale, mais je lui ai tout de suite trouvé un talent fou. Quand je le croisais dans les couloirs de Canal Plus, par la force des choses, je lui demandais : « Mais tu ne vas pas rester à la météo toute ta vie, quand même ? » Pour situer un peu les choses, Canal Plus n’avait pas de pression d’audience, d’abord parce que c’était une chaîne à abonnement, mais aussi parce que c’était la chaîne du président Mitterrand, voulue par lui et dirigée par son ami André Rousselet. On faisait ce qu’on voulait, on était les rois du monde, d’autant qu’il pleuvait des dollars et que n’importe qui aurait accepté de se déguiser en grenouille pour garder sa place, tellement il était grassement rétribué pour cet exercice.
    Dechavanne, je lui trouve donc un talent d’enfer qu’il fallait exploiter ailleurs qu’à la météo, il y avait certainement un emploi où sa vivacité et son sens de l’humour pourraient s’exprimer, j’en étais sûre. Sur Canal Plus, ils n’y croyaient pas trop. Bon. Mais quelque temps plus tard, je quitte Canal Plus pour rejoindre Antenne 2. Au directeur des programmes, je vends cette idée de me donner une tranche horaire en péril, ce qui ne lui fait pas prendre trop de risques. Il accepte, et nous laisse le créneau de trois heures l’après-midi. On met au grenier les Aujourd’hui Madame , les conseils tricot, etc., et avec Dechavanne et une batterie de jeunes chroniqueurs on lance un truc décoiffant. On y perdra un public de ménagères, mais on aura les gamins. Mon objectif était que lesgosses se dépêchent de sortir de l’école pour voir cette émission, et cela a marché ! Cela a même cartonné. Tous les gens qui participaient à cette émission sont devenus quelque chose, notamment Charlie et Lulu, ou Maureen Dor…
    Ensuite, en soirée, avec Ciel mon mardi ! , il y avait Michel Field, Patrice Carmouze, un journaliste de Libération , Renaud Rahard, qui est devenu patron de Fremantle… Ils sont tous devenus des acteurs notables du paysage médiatique, à divers titres. Et Dechavanne s’est rapidement hissé au rang de star de la télévision. Nous sommes également devenus très copains.
    Je ne peux vivre qu’en osmose avec les gens avec lesquels je travaille, sinon je n’y arrive pas. Avec lui on a monté des idées dingues. C’est encore mieux l’après-midi , c’était l’endroit où tout le monde voulait passer. J’ai fait fabriquer un décor très novateur pour l’époque. Le générique a été souvent repris, c’était un tube de rouge à lèvres qui se baladait dans l’espace et qui dessinait. Je m’étais inspirée d’un générique américain qui s’appelait This is your Life . J’ai eu la chance de tomber sur un directeur des programmes qui m’a dit : « Écoutez, Dominique, rêvez, et on gérera votre rêve. » J’ai adoré cette phrase, je la garde, je la trouve très belle. Parce que j’étais incapable de gérer l’aspect financier d’une émission comme celle-là. Un jour, j’ai demandé un lustre en cristal, alors qu’on pouvait très bien mettre un lustre en plastique, qui donnerait la même chose à l’image. Non, j’exigeais qu’il soit en cristal. C’est pour ça qu’il faut me mettre dans les mains de directeurs de production qui gèrent mes budgets.