Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables
ou la course à pied, découvre la neige pour la première fois. Et les bonshommes qui vont avec. Le sien ressemble à Adolf Hitler, avec une moustache en rapport, mais surtout la conséquence d’être immédiatement réduit à néant à grand renfort de coups de pied et de cailloux réunis.
Le vengeur en culottes courtes ignore ce que deviendra vraiment le dictateur – nous sommes en 1935 –, mais il sait déjà que liberté est un mot qui ne se galvaude pas. Son père, acteur malgré lui de l’horrible bataille de Gallipoli, le lui a dit, mais tout autant les paysages immaculés qui l’entourent. Pas de doute, la métaphore vaut pour Hillary comme pour tous les alpinistes de la terre. Grimper pousse (évidemment) à se détacher des contingences élémentaires. Partir vers les sommets invite (forcément) à l’élévation de l’âme.
Vaille que vaille, le jeune homme poursuit ses études scientifiques et accepte un job de géomètre. Un prétexte pour porter plus loin son regard. Jusqu’au mont Cook, point culminant de la Nouvelle-Zélande (3 766 m), dont il fréquente les environs avec assiduité. Et jusqu’aux Alpes qu’il découvre à l’occasion d’un premier voyage en Europe en compagnie de ses parents.
Hillary a trente ans. Lecteur compulsif, il a dévoré l’essentiel des récits de montagne, ceux consacrés à la conquête des Himalayas en particulier. Là sont concentrés la plupart des plus hauts sommets de la planète. Déjà, le grand Néo-Zélandais s’imagine emboîtant le pas de Bill Tilman ou d’Eric Shipton, les alpinistes les plus actifs de l’heure, occupés, en priorité, à réveiller des projets mis en sommeil pendant la guerre. Avec d’autant plus d’appétit que le Népal vient enfin d’ouvrir ses frontières et son arrière-pays.
Compte tenu de leurs antécédents historiques et géographiques, les Britanniques ne sont pas les derniers à se précipiter. S'ils sont prêts à abandonner tel ou tel sommet intermédiaire aux Français ou aux Allemands (l’Annapurna, le Nanga Parbat), ils ne sauraient négliger le point culminant de la planète. Pour eux, les 8 850 mètres de l’Everest recouvrent une mission obligatoire. Un monopole de fait. Et un enjeu national de première importance.
Le temps presse. Au printemps 1952, les Suisses, qui profitent eux aussi de quelques appuis du côté de Katmandou, ont entrebâillé la porte de manière significative et inauguré un chemin inédit à travers la désormais célèbre cascade de glace. Accompagné par le Sherpa Tenzing, le solide Raymond Lambert a échoué, sur le flanc sud, à trois cent soixante-douze mètres du sommet tant convoité. A l’automne encore, la même équipe tente un nouvel assaut, contrarié in extremis par les intempéries. Il est urgent de réagir, de se mobiliser et d’accoucher d’une expédition parfaitement conçue et maîtrisée.
Le colonel John Hunt, chef et âme du projet, est chargé de cette mission. Avec l’appui des meilleurs spécialistes du royaume, il a testé des semelles de caoutchouc microcellulaires, mis au point de nouveaux masques à oxygène et même envisagé des cordes phosphorescentes. Il a embauché trois cent cinquante porteurs et mandé qu’ils répartissent sur leurs épaules pas moins de quinze tonnes de matériel. Il a surtout recruté un parfait noyau de spécialistes, mi-sportifs mi-aventuriers, enrôlé un médecin et un physio-thérapeute et sollicité, pour finir, la technique de deux alpinistes du bout du monde (Hillary et Lowe), parfaitement rompus, eu égard à leurs terrains de jeu habituels, aux escalades verglacées.
Le premier se révèle débonnaire et entreprenant. Au petit jeu de l’installation des camps d’altitude – neuf au total –, des allées et venues obligatoires, des déposes à répétition, jamais il ne se dérobe. Avec, en prime, une collection de sourires, d’attentions, de bons mots toujours à disposition. Au fil des semaines, il s’est pris de sympathie pour Tenzing Norgay, le plus expérimenté des Sherpas. Ensemble, ils forment une cordée solide et complémentaire qui lors de l’interminable phase d’acclimatation se distingue en plusieurs occasions. Charles Evans et Tom Bourdillon, archétypes de l’esprit de conquête made in England, ont néanmoins les faveurs de Hunt. C'est à eux que revient le privilège de l’ultime assaut. Un abordage mené à la hussarde mais interrompu à moins de trois cents mètres du but
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