Aventuriers: Rencontres avec 13 hommes remarquables
îles Fidji et poussé jusqu’aux Tonga, mais il était persuadé que son émancipation passerait par un apprentissage encore plus approfondi. Intuition naturelle ? Sans doute, à ceci près que l’obstiné cumula et anticipa. Dans un pareil mouvement, il entreprit des études de mécanique, se jeta dans le grand bain des courses transpacifiques et ambitionna de rejoindre l’Angleterre, encore considérée, à l’époque, comme la mère patrie des marins en devenir. Entre Wight et Gosport, Blake fit ses classes. Il avait vingt-deux ans, un accent à couper au couteau, une chevelure de faune et la démarche caractéristique du matelot qui vient tout juste de mettre pied à terre. Il avait surtout une constance et un joli tour de main qui, dans l’instant, séduisirent Robin Knox-Johnston et Leslie Williams.
Deux références. Le premier parce qu’il avait remporté le célébrissime Golden Globe de 1968 au cours duquel Bernard Moitessier s’est fait la belle. Le second, militaire comme le précédent, parce qu’il avait terminé quatrième de la Transat la même année à bord d’un voilier révolutionnaire. Soit l’improbable mariage du courage et de l’invention que Blake transforma en marchepied inespéré jusqu’à embarquer en compagnie des deux inséparables entre Malte et l’Afrique du Sud, puis pour un Tour du monde en équipage, premier du genre, organisé par un brasseur anglais (Whitbread) pressé de vanter ses produits via Le Cap, Sydney ou Rio.
En matière de circumnavigation l’heure était encore aux tâtonnements et aux hésitations. Témoin le ketch d’aluminium que le nouveau venu décida de chevaucher, mis à l’eau six semaines seulement avant le départ avec une grand-voile approximative et un avitaillement entassé dans un filet de tennis dérobé sur un court voisin. Plus grave, au Cap, la coque de Burton Cutter révéla deux voies d’eau, le carré fut à demi noyé et l’abandon décrété inévitable. De ce raid avorté, l’équipier modèle apprit qu’une préparation adéquate et un plan de bataille millimétré valent mieux que toutes les performances imaginables. Blake reviendra, mais, avec, chaque fois, la volonté de contrôler un peu plus le projet en partance.
Après une nouvelle expérience décevante en compagnie des fidèles Knox et Williams, le maître organisateur – le contraire de Tabarly soit dit en passant – obtiendra d’armer et diriger un bateau, enfin, cent pour cent kiwi. Une nouveauté en un temps où la navigation hauturière était en priorité dominée par les Anglais, éventuellement par les Américains et les Français. Une bonne fois pour toutes, Blake avait établi son credo : biffer ses bourdes passées pour mieux cocher ses espoirs à venir; remonter aux sources des initiatives pour apprécier chacun des éléments constitutifs du succès futur. Sans jamais se relâcher ni se disperser. Même l’homme marié, même le père de famille n’eut de cesse, durant les intervalles de ces différents Tours du monde, d’accumuler les expériences. Coup sur coup, Blake remporta la Fastnet et Sydney-Hobart, participa à l’Admiral’s Cup et se rapprocha de la Coupe de l’America.
En définitive tous les types de bateaux et de navigations l’intéressaient. David Alan-Williams, architecte et novateur de première importance, le savait, qui, le premier, lui proposa de tâter du multicoque. Un immédiat coup de foudre. A son tour, Blake découvrit les surfs violents et les moyennes déraisonnables. Sans hésiter, il se dit prêt à plonger dans cette nouvelle aventure, tout en refusant de renoncer à ses choix initiaux. Problème : comment convaincre un commanditaire de supporter un programme à ce point contradictoire?
Dès 1985, grâce au soutien d’un autre brasseur (Steinlager), le grand planificateur s’enhardit et accoucha d’un programme nautique grandiloquent. Une bataille navale en deux temps qui prévoyait la construction conjointe d’un trimaran de 18 mètres et d’un monocoque de 23 mètres. Un fabuleux pari que Blake mena parfaitement à son terme. Pensez ! Non content de reléguer ses adversaires à plus de cinq jours lors d’un tour d’Australie mené sur trois coques, l’insatiable domina si fort la course autour du monde sur son autre bateau qu’aucune des cinq étapes prévues sur son parcours ne lui échappa !
Dans un domaine où les naïfs étaient encore légion et les mauvais faisans toujours trop nombreux,
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