Azincourt
Hook.
— Eh bien, cela épargnera à ces
gueux de creuser nos tombes. Ils n’auront qu’à nous pousser dans ces tranchées
et rabattre la terre par-dessus.
— Le temps se lève, dit Hook.
À l’ouest, au-dessus des remparts du
petit château d’Azincourt qui pointait par-delà les arbres, le ciel
s’éclaircissait.
— Au moins les cordes seront
sèches et nous pourrons abattre quelques-uns de ces maudits avant qu’ils nous
massacrent.
L’ennemi n’avait pas seulement
davantage de bannières, mais aussi plus de musiciens. Les trompettes anglais
jouaient des sonneries brèves, puis ils laissaient les tambours marquer la
cadence, mais les trompettes français ne cessaient jamais. Ils déchiraient les
oreilles des Anglais d’un vacarme porté par le vent. La plupart des soldats français
étaient à pied, comme les Anglais ; mais sur chaque flanc, Hook aperçut
nombre de chevaliers montés sur des destriers caparaçonnés et drapés de cottes
d’armes brodées. Leurs cavaliers les échauffaient en les faisant aller et
venir. Des lances se dressaient contre le ciel.
— Ces maudits vont bientôt
déferler, dit Tom Scarlet.
— Peut-être, mais peut-être
pas, dit Hook, partagé entre le désir que les Français s’élancent et que
l’épreuve soit terminée, et l’envie d’être chez lui sain et sauf.
— N’encordez pas avant qu’ils
arrivent, ordonna Evelgold aux archers de sir John.
Il répétait cela constamment, mais
aucun des hommes ne semblait lui prêter attention. Des prêtres disaient la
messe parmi les archers qui, un par un, venaient recevoir la communion et l’absolution.
Le roi était ostensiblement agenouillé devant l’un de ses aumôniers au beau
milieu des troupes. Il était passé une fois le long des lignes sur un petit
cheval blanc, la couronne de son heaume brillant étrangement dans les premières
lueurs de l’aube.
— Dieu est avec nous !
avait-il crié aux archers qui commençaient à s’agenouiller par déférence et
qu’il avait fait relever aussitôt. Dieu est avec nous ! Ayez foi !
— J’aurais bien aimé que Dieu
ait envoyé d’autres Anglais, osa lancer une voix.
— Certes non ! avait
répondu le roi d’un ton enjoué. La providence de Dieu suffit ! Nous sommes
suffisamment nombreux pour accomplir Son œuvre !
Hook espéra que le roi avait raison
et alla s’agenouiller devant le père Christopher qui portait un froc noir et une
chasuble éclaboussée de boue brodée de colombes blanches, croix vertes et des
lions de Cornewaille.
— Mon père, j’ai péché, avoua
Hook.
Et il confessa ce qu’il avait
toujours tu : qu’il avait tué Robert Perrill et comptait bien assassiner
Thomas Perrill et sir Martin. Il eut du mal à le dire, mais il était mû par la
pensée, la quasi-certitude, qu’il vivait son dernier jour en ce monde. Les
mains du père Christopher se crispèrent sur sa tête.
— Pourquoi as-tu commis ce
meurtre ?
— Les Perrill ont tué mon
grand-père, mon père et mon frère.
— Et maintenant, tu as tué l’un
d’eux, dit sévèrement le prêtre. Nick, cela doit cesser.
— Je les hais, mon père.
— C’est un jour de bataille, et
tu dois aller trouver tes ennemis, implorer leur pardon et faire la paix. D’autres
le font, continua le père Christopher, voyant que Hook ne répondait pas. Tu
devrais faire comme eux.
— J’ai promis de ne point le
tuer durant la bataille.
— Cela ne suffit point, Nick.
Veux-tu affronter le jugement de Dieu avec la haine dans ton cœur ?
— Je ne peux faire la paix avec
eux, maintenant qu’ils ont tué Michael.
— Le Christ pardonna à Ses
ennemis, Nick, et nous devons aussi L’imiter en cela.
— Je ne suis point le Christ,
mon père, je suis Nick Hook.
— Et Dieu t’aime, soupira le
père Christopher en faisant le signe de croix sur son front. Tu ne tueras aucun
de ces deux hommes, Nick. C’est un commandement de Dieu, m’entends-tu ? Tu
n’iras point dans cette bataille avec la haine dans ton cœur. Ainsi, Dieu
posera un regard bienveillant sur toi. Promets-moi de ne pas penser au meurtre,
Nick.
Après un long combat intérieur, Hook
hocha brusquement la tête.
— Je ne les tuerai point, mon
père.
— Ni aujourd’hui, ni demain, ni
jamais. Tu le jures ?
Il y eut un long silence. Hook
repensait à toutes ces années, à cette haine enfouie, à sir Martin et Tom
Perrill qu’il détestait, puis il songea à ce qu’il allait
Weitere Kostenlose Bücher