Azincourt
détendront.
— Et finiront par se rompre,
ajouta Will du Dale.
— Qu’arrivera-t-il demain
matin, alors ? demanda Swan en s’accroupissant près des archers, mal à
l’aise en présence de cet inconnu.
— Dites-le-nous, messire.
— Je veux savoir ce que vous
pensez, insista Swan. (Il y eut un silence gêné, car aucun des archers ne
voulait faire état de ses craintes. Le vent apporta soudain les rires et les
vivats du camp français.) Au matin, dit Swan, bien des Français seront ivres.
Nous ne le serons point.
— Oui, car nous n’avons nulle
ale, observa Tom Scarlet.
— Alors, qu’adviendra-t-il
selon vous ? insista Swan.
— Ce seront de maudits ivrognes
qui nous attaqueront, dit Hook après un long silence.
— Et ?
— Et nous les occirons,
répondit Scarlet.
— Et nous gagnerons la
bataille ?
Personne ne répondit. Hook se
demanda pourquoi Swan était venu les trouver pour les forcer ainsi à parler.
Comme personne ne se décidait, Hook prit finalement la parole.
— C’est à Dieu d’en décider,
messire.
— Dieu est avec nous, déclara
fermement Swan.
— Nous l’espérons certainement,
opina Scarlet sans conviction.
— Amen, ajouta Will.
— Dieu est à nos côtés, reprit
Swan avec véhémence, parce que la cause de notre roi est juste. Si les portes
de l’enfer s’ouvrent demain à l’aube et que les légions de Satan viennent nous
combattre, nous serons tout de même victorieux. Dieu est avec nous.
Et Hook se rappela ce lointain jour
ensoleillé à Southampton, quand deux cygnes étaient passés à tire-d’aile devant
la flotte, et il se souvint que le cygne était l’un des emblèmes d’Henry, roi
d’Angleterre.
— Vous pensez vraiment, demanda
Swan, que la cause de notre roi est juste ?
Aucun des archers ne répondit, mais
Hook reconnaissait la voix, à présent.
— J’ignore si la cause du roi
est juste, dit-il durement.
Il y eut un silence et Hook sentit
que l’homme qui disait s’appeler Swan se raidissait d’indignation.
— Et pourquoi ne le serait-elle
point ? demanda Swan d’un ton glacial.
— Parce que la veille du jour
où nous traversâmes la Somme, dit Hook, le roi a fait pendre un homme pour vol.
— Il avait dérobé un bien de
l’Église, répondit Swan, désinvolte. Bien sûr qu’il devait mourir.
— Mais jamais il n’avait volé
la boîte, dit Hook.
— Certes non, ajouta Scarlet.
— Jamais il ne la vola, et
pourtant, le roi le fit pendre, continua Hook. Et pendre un innocent est péché.
Alors pourquoi Dieu serait-il aux côtés d’un pécheur ? Dites-moi,
messire ? Dites-moi pourquoi Dieu favoriserait un roi qui assassine un
innocent ?
Il y eut un autre silence. La pluie
cessa un instant, et Hook entendit la musique provenant du camp français et des
éclats de rire. Des lanternes faisaient luire les tentes. L’homme qui disait
s’appeler Swan se redressa un peu.
— Si l’homme était innocent,
dit-il à voix basse, alors le roi a mal agi.
— Il l’était, s’entêta Hook. Et
je gagerais ma vie là-dessus. (Il marqua une pause, se demandant s’il oserait
aller plus loin, et décida de prendre le risque.) Par Dieu, messire, je
gagerais la vie du roi là-dessus !
L’homme qui se faisait appeler Swan
émit un sifflement, mais ne répondit pas.
— C’était un brave garçon, dit
Will.
— Et jamais il ne fut
jugé ! s’indigna Scarlet. Au pays, messire, au moins nous avons le droit
de dire notre fait devant la cour avant qu’on nous pende !
— Oui, nous sommes des Anglais,
ajouta Will, et nous avons des droits.
— Connais-tu le nom de
l’homme ? demanda Swan.
— Michael Hook, répondit Nick.
— S’il était innocent, dit
lentement Swan, comme s’il réfléchissait à sa réponse tout en parlant, alors le
roi fera dire des messes pour son âme, et priera lui-même chaque jour pour le
repos de Michael Hook.
Un autre éclair déchira le ciel et
Hook vit le long du nez du roi la balafre laissée par une flèche à Shrewsbury.
— Il était innocent, messire,
affirma Hook. Et le prêtre qui a dit autrement mentait. C’était une querelle de
famille.
— Alors des messes seront dites
et Michael Hook ira au Ciel avec les prières du roi, promit Henry. Et demain,
par la grâce de Dieu, nous combattrons ces Français et nous leur enseignerons
que Dieu et les Anglais ne doivent pas être gaussés. Tiens, dit-il à Hook en se
levant et en lui tendant une
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