Azincourt
de fantassins qui fondaient sur eux. Les carreaux sifflaient autour de
lui, mais très peu d’arbalétriers français étaient assez bien placés pour viser
correctement. Leur troupe était dans le bataillon de l’arrière, trop loin pour
assurer le tir, et la plupart ne voyaient même pas l’ennemi. Pis encore,
lorsque le premier bataillon français se déploya entre les bois de Tramecourt
et d’Azincourt, ils perdirent entièrement de vue les Anglais et cessèrent le
tir.
Le premier bataillon français
s’étendait sur tout l’espace entre les arbres, mais comme les bois se
resserraient, le champ formait un entonnoir. Bien que les rangs des Français
fussent bien décimés, les soldats étaient à l’étroit et les flèches
continuaient de pleuvoir sur eux.
Hook tirait sans relâche. Il avait
déjà épuisé une gerbe de flèches et en réclama d’autres. Des pages ne cessaient
d’en apporter régulièrement, mais il en fallait des centaines de milliers. En
effet, cinq mille archers pouvaient tirer soixante mille traits à la minute et,
lorsque la cavalerie avait chargé, ils avaient multiplié les tirs. Certains
continuaient, mais Hook ralentit. Plus l’ennemi se rapprochait, plus les
flèches étaient mortelles, et il se contentait d’user de pointes larges.
Ces flèches ne pouvaient en aucun
cas percer une armure, mais l’impact suffisait à renverser un homme, et chaque
chute désorganisait la troupe et la ralentissait. Les Français devaient lutter
non seulement contre la boue mais aussi contre cette incessante pluie de traits
qui claquaient sur l’acier comme une bourrasque. L’ennemi se trouvait encore à
cent cinquante pas et Hook vit que ses bannières étaient chacune percées d’une
dizaine de flèches. Il visa un homme en surcot jaune et sa flèche le renversa.
Les cordes vibraient tout autour de lui et, sous le ciel noir de traits, les
lignes ennemies se resserraient encore. Dépités de ne pouvoir tirer, plusieurs
archers anglais remontèrent, se déployèrent le long des taillis du bois de
Tramecourt et commencèrent à faire pleuvoir leurs flèches sur le flanc des
Français.
Les plus braves cherchaient à
atteindre les Anglais au plus vite, tandis que les plus prudents reculaient
derrière eux pour se protéger. Hook vit les hommes d’armes se regrouper en
trois troupes qui se dirigeaient vers les étendards des trois bataillons
anglais. Ce seraient hommes d’armes contre hommes d’armes, les Français
espérant sans doute faire trois percées sanglantes dans les lignes anglaises.
Et quand cette ligne de neuf cents hommes serait dispersée, il régnerait un
chaos mortel. Hook jeta un coup d’œil au nord, redoutant que le resserrement du
bataillon français permette aux arbalétriers ennemis de tirer, mais les archers
français semblaient avoir reculé, comme s’ils perdaient tout intérêt à ce
combat.
Hook retrouva l’homme en surcot
jaune ; il encordait une autre flèche quand il vit l’homme tomber à
genoux. Les flèches perçaient à présent à cette distance, et Hook continua de
tirer tandis que les ennemis tombaient les uns après les autres. Autour de lui,
les hommes réclamaient des flèches. Il lui en restait une douzaine. Les
Français étaient à moins de cent pas, mais l’averse se tarissait à mesure que
les archers étaient à court. Il les épuisa l’une après l’autre et cria pour
qu’on lui en apporte. Mais il n’en restait plus qu’entre les mains des hommes
de l’arrière, qui épargnaient leurs tirs. À présent, les archers étaient
réduits au rôle de spectateurs, entre leurs épieux, à quelques pas de
l’avant-garde française. Ils avaient accompli leur tâche. Il incombait
maintenant aux hommes d’armes anglais de poursuivre le combat. Tandis que les
Français, libérés des flèches, poussaient un grand cri à l’unisson et se
précipitaient sur eux.
Le sire de Lanferelle était capable
de sauter sur sa monture revêtu de toute son armure ; il lui arrivait même
de danser avec, pas seulement parce que les femmes adoraient les hommes en
tenue guerrière, mais pour montrer qu’il était plus élégant et souple en armure
que la plupart des hommes quand ils n’en portaient pas. Pourtant, là, il
parvenait à peine à bouger. Chaque pas était un combat contre la boue
poisseuse. Par endroits, il s’enfonçait jusqu’à mi-mollet et n’avait nul point
d’appui pour libérer son pied ; il parvenait néanmoins à
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