Azincourt
estima qu’il pourrait, avec ses quatre
compagnons, fendre la mince ligne anglaise et les mener jusqu’à
l’arrière-centre anglais. Et pourquoi ne pas capturer le roi aussi ?
— En avant ! s’écria-t-il.
Malheureusement, il trébucha sur les
cadavres et, le temps qu’il se reprenne, un brusque assaut anglais le priva de
sa chance de percer : il n’eut d’autre choix que de reculer.
Il laissa le duc d’York face contre
terre dans la boue. Le duc, assommé et piétiné, s’était noyé dans une flaque de
sang, et à présent les Anglais avançaient par-dessus sa dépouille pour
s’emparer de Lanferelle et de sa bannière au soleil et faucon. Lanferelle les
repoussait de vifs coups d’épée. Il ignorait que le duc était mort, regrettant
seulement de l’avoir perdu, puis il vit à main gauche une autre bannière
s’enfoncer dans les rangs français et pensa que la rançon pour le lion de
gueules rampant couronné d’or de sir John Cornewaille l’enrichirait
suffisamment.
— Avec moi ! cria-t-il en
taillant son chemin vers sir John.
Loin à main droite, une furieuse
bataille faisait rage autour des quatre bannières du roi. Des dizaines de
Français convoitaient l’honneur de capturer le souverain, mais ils devaient
affronter les mêmes horreurs que leurs compagnons. Englué dans la boue et
décimé par les flèches, leur premier rang était rapidement tombé sous les coups
de haches et de masses des gardes du corps du roi. Mais ils continuaient leur
avance et une lance française transperça la braconnière d’Humphrey, duc de
Gloucester et frère cadet du roi, qui s’effondra dans les sillons. Des Français
se précipitèrent pour le capturer, mais Henry se dressa devant son frère blessé
et, son épée à deux mains, tint tête à l’ennemi. Il combattait avec l’épée, car
il la considérait comme l’arme royale ; et si elle le désavantageait face
à des hommes armés de masses et de vouges, il s’en gaussait, car il savait que
Dieu était avec lui. Il l’éprouvait dans son cœur, il sentait qu’il lui donnait
sa force et qu’il le protégeait, même lorsqu’une masse s’abattit sur son heaume
et l’aveugla presque. L’une des fleurs d’or en fut arrachée et son casque
cabossé ; mais l’acier ne s’étant pas brisé et le rembourrage de cuir ayant
amorti une bonne partie du choc, Henry plongea son épée dans le flanc de son
attaquant en poussant son cri de guerre.
Henry d’Angleterre était rempli de
la joie de Dieu. Jamais de toute sa vie il ne s’était senti aussi proche de
Dieu et il eut presque pitié de ces hommes qui venaient se faire tuer, car ils
étaient occis par Dieu. Son garde du corps se tenait à ses côtés, et ensemble
ils abattirent dix-huit Français qui, la veille seulement, avaient
solennellement juré de trucider ou de capturer le souverain d’Angleterre. Liés
par leur serment, ces hommes s’étaient avancés de concert et à présent ils
étaient morts ensemble. Leurs cadavres gisaient, entremêlés, et empêchaient
d’avancer ceux qui cherchaient encore la gloire en capturant un roi. Un
Français beugla un défi en brandissant sa masse, et le roi lui enfonça son épée
en plein visage. Un autre brandit sa lance vers lui.
— Saint George ! s’écria
Henry en sentant la puissance divine courir dans ses veines.
Par la visière relevée, Henry vit la
peur dans les yeux du Français, puis une imploration muette quand il lui
arracha sa lance, mais Dieu ne voulait nulle merci pour les ennemis d’Henry et
le roi lui fendit le crâne d’un coup d’épée.
Et la ligne anglaise tenait bon. Par
endroits, elle avait été repoussée par le poids des hommes d’armes qui
attaquaient ; mais elle ne se rompait pas, désormais protégée par des
remparts de cadavres et de mourants. Ailleurs, elle faisait des percées dans la
formation française. Et l’ennemi, incapable de forcer son avance, commença à
déborder sur les flancs. Où les archers étaient à court de flèches.
« Soit tu meurs, soit tu
combats. »
La voix était lointaine et amusée,
comme si celui qui parlait se moquait bien du destin de Nicholas Hook.
— Ils viennent sur nous, Nick,
dit Tom Scarlet d’une voix étranglée.
Les archers avaient reculé derrière
les premiers rangs d’épieux et virent les hommes d’armes enfoncer la ligne
anglaise. À présent, cet ennemi qui avait été jusqu’ici repoussé s’avançait
vers eux.
— Nous
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