Azincourt
avant, siffla sir John.
D’autres barques arrivaient et
déversaient leurs hommes, épées tirées. Ils se rassemblèrent au-dessus de
l’épaisse ligne d’algues et de bois échoués. Hook pensait que sir John
commanderait ce débarquement, mais c’était un autre homme beaucoup plus jeune.
Les marins retournèrent attendre au-delà des vagues. En cas d’attaque des
Français, ils pourraient revenir les sauver, mais Hook doutait que beaucoup en
réchappent.
— Restez groupés, chuchota le
jeune homme. Les archers à main droite !
— Vous avez entendu sir
John ! siffla sir John Cornewaille. (Le jeune homme était sir John
Holland, neveu du roi et gendre de sir John Cornewaille.) Goddington ?
— Mon seigneur ?
— Emmène tes archers assez loin
pour qu’ils nous couvrent par le flanc !
C’est sir John l’aîné qui commandait
vraiment, n’en laissant que l’apparence à son gendre.
— En avant ! annonça
celui-ci.
Les quarante hommes d’armes à main
gauche et les quarante archers à main droite remontèrent la grève. Et tombèrent
sur des défenses. Ce que Hook avait pris pour un talus était en fait un ouvrage
élevé de main d’homme et précédé d’un fossé. Il y avait aussi des bastions d’où
des arbalétriers pouvaient tirer. Ces remparts, que la pluie et le vent avaient
à peine entamés, s’étendaient tout au long du rivage et Hook pensa qu’il serait
difficile de gagner du terrain sous une pluie de carreaux. Mais la
fortification dont la construction avait dû exiger des jours était entièrement
déserte.
— Ils se sont donné bien du
mal, ironisa sir John Cornewaille en y arrivant. À quoi bon élever des défenses
pour les abandonner ensuite ?
— Ils savaient que nous
débarquerions ici ? demanda sir John Holland.
— Alors pourquoi ne nous y
accueillent-ils point ? interrogea sir John. Sans doute en ont-ils bâti
partout en Normandie. Ces gueux pissent dans leurs braies et élèvent des
murailles. Archers ! Vous savez tous siffler, n’est-ce pas ? Très
bien. Et vous connaissez tous la Complainte de Robin des Bois ?
(Tous la connaissaient. Le contraire aurait été étonnant, car Robin des Bois
était le héros des archers, l’homme qui s’était dressé contre les seigneurs,
princes et baillis d’Angleterre.) Très bien ! Nous allons gravir la
colline ! Les hommes d’armes sur le sentier et les archers dans les
bois ! Explorez le sommet ! Si vous entendez ou voyez quiconque,
revenez me le dire ! Mais sifflez la complainte, afin que je sache que
c’est bien un Anglais et non un de ces satanés Français qui arrive !
Avant de gravir la colline, ils
durent traverser un marécage désolé où sinuait un vague sentier. Sir John
Cornewaille exigea que les archers se déploient de part et d’autre, afin de
pouvoir couvrir les autres en cas d’embuscade.
— Il nous fera tuer, grommela
Goddington en peinant dans les roseaux.
Le marécage s’étendait sur deux
cents pas, une portée de flèche. Hook pouvait tirer au-delà, de même que
n’importe quel arbalétrier français, et il guettait le moindre mouvement dans
l’obscurité. Les Français devaient savoir que les Anglais arrivaient. Leurs
espions avaient certainement compté les navires dans la rade de Southampton et
les pêcheurs avaient annoncé leur venue. En outre, puisqu’ils avaient pris la
peine de fortifier cette baie, pourquoi ne la garnissaient-ils point ?
Sans doute parce qu’ils les guettaient dans les bois et voulaient abattre cette
avant-garde pendant la traversée du marais.
— Hook, Tom, Matt et Dale, à
droite ! ordonna Goddington. Montez !
Hook obéit et pataugea, suivi des
jumeaux et de William du Dale. Derrière eux, les hommes d’armes étaient groupés
sur le sentier. Tous, seigneur comme archer, portaient la croix de saint George
sur leur surcot ; leurs épées tirées et les jambières de leurs armures
luisaient comme de l’argent sous la lune. Pas un carreau ne siffla depuis les
bois. Si les Français les attendaient, ils devaient se trouver plus haut.
Hook gravit un petit talus au bout
du marécage et se retourna vers la mer scintillante envahie par une forêt de
mâts où brillaient les étoiles et la lueur rougeâtre de quelques lanternes.
— L’arc ne vaut rien dans les
arbres, dit-il à ses compagnons.
Il décorda le sien et le glissa dans
l’étui en peau. Un arc qu’on laisse trop longtemps cordé finit par rester
courbé et
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