Azincourt
Cornewaille. Tu t’es trouvé un cheval !
— Et un moine, sir John. Il
partait chercher des secours, du moins je le crois.
Sir John le rejoignit à grands pas.
Le prieur se signa en voyant les soldats se regrouper sur la route, puis il
s’avança vers sir John et se plaignit avec volubilité en faisant de grands
gestes vers Hook et le moine au nez ensanglanté. Sir John souleva le menton du
jeune homme pour examiner la blessure.
— Ils ont dû envoyer un
messager annoncer notre arrivée hier, dit-il. Celui-ci allait d’évidence
prévenir que nous avions débarqué. L’as-tu frappé, Hook ?
— Le frapper, mon
seigneur ? répondit innocemment Hook, le temps de trouver quoi répondre.
— C’est ce que dit le prieur,
l’accusa sir John.
Instinctivement, Hook préférait
mentir, comme il l’avait toujours fait mais, souhaitant ne pas entacher son
service auprès de sir John d’une faute, il hocha la tête.
— Oui, sir John.
— Quel dommage, Hook, fit sir
John avec un petit sourire. Notre roi a dit qu’il pendrait tout homme qui
blesse prêtre, moine ou nonne. Notre bon Henry est fort pieux, aussi je veux
que tu songes bien à ta réponse. L’as-tu frappé ?
— Oh, non, sir John. Jamais je
n’aurais osé.
— Bien sûr que non. Il a dû
tomber de cheval, n’est-ce pas ? Et se casser ainsi le nez. (Il répéta
cette explication au prieur avant de pousser le jeune moine vers ses frères.)
Archers ! dit-il à ses hommes. Je vous veux tous là-bas, au bord de la
route. Je prends le cheval, Hook.
Les archers se postèrent le long de
la route qui descendait avant de remonter vers une autre éminence boisée. Les
étoiles pâlissaient tandis que montait l’aube à l’est. Goddington autorisa
quelques hommes à dormir pendant que les autres veillaient ; Hook se
coucha sur un banc couvert de mousse et dormit une heure avant d’être réveillé
par des bruits de sabots. Il faisait grand jour à présent et le soleil filtrait
entre les feuilles. Sur la route chevauchaient une dizaine de cavaliers, dont
sir John Cornewaille. En voyant leur air craintif et frissonnant, Hook devina
que les chevaux avaient nagé jusqu’au rivage et n’étaient pas encore réhabitués
à la terre ferme.
— À la prochaine crête !
ordonna sir John aux archers.
Hook se hâta de ramasser son arc et
son carquois puis suivit les archers, tandis que les hommes d’armes leur
emboîtaient le pas en tirant leurs chevaux.
Depuis cette autre crête, la vue
était étonnante. À main droite, la mer s’engouffrait dans l’embouchure de la
Seine, que des collines boisées bordaient au sud. Au nord s’élevaient d’autres
collines, mais devant Hook, luisante sous le soleil matinal, la route
s’enfonçait à travers bois et champs jusqu’à une cité et son port, minuscule,
encombré de navires, et protégé par des murailles qui en faisaient le tour et
ne laissaient pour toute ouverture qu’un étroit chenal menant à la mer. Au-delà
du port s’élevait la ville, un ensemble de toits et d’églises ceints d’une
grande muraille de pierre au pied de laquelle se blottissaient de loin en loin
quelques maisons. Hook compta vingt-quatre tours sur les fortifications. Des
bannières flottaient aux remparts. Ils étaient trop loin pour les distinguer,
mais le message était évident : la ville savait que les Anglais étaient là
et lançait un défi.
— Harfleur ! annonça sir
John Cornewaille à ses hommes. Un nid de maudits pirates ! Ce sont des
vilains qui demeurent là. Qui harcèlent nos navires, pillent nos côtes. Et nous
allons en débarrasser cette cité comme on chasse des rats d’un grenier !
Au nord d’Harfleur serpentait une
rivière qui entrait par une arche et traversait la ville avant de se jeter dans
le port. Mais les habitants de la cité, prévenus de leur arrivée, avaient dû
fermer l’écluse de cette arche, car la rivière commençait à déborder et inonder
les champs au nord et à l’ouest. Harfleur, sous le soleil matinal, semblait une
île ceinte de murs.
Un carreau siffla au-dessus de leurs
têtes. Hook avait vu un éclair du coin de l’œil, trahissant la présence du
tireur dans les bois au nord de la route. Le carreau se perdit dans les arbres.
— Quelqu’un nous en veut !
plaisanta l’un des hommes d’armes.
— A-t-on vu d’où il
venait ? demanda un autre.
Hook et d’autres archers désignèrent
le bosquet où devait se trouver
Weitere Kostenlose Bücher