Azteca
eaux
poissonneuses et leurs vallées fertiles, mais maintenant il va vouloir leur
ravir le secret de ce métal magique. Il les mettra au défi à nouveau et, quand
cela se produira, ses armées réquisitionneront tous les hommes en état de
marcher. »
Le maître se tut un instant, puis il ajouta d’un ton ferme :
« Même les vieux cuachic perclus, comme moi, même ceux qui ne peuvent
servir que comme Engloutisseurs et comme Ligoteurs, même les infirmes et ceux
qui sont dans le brouillard. On aura tous intérêt à être prêts, entraînés et
endurcis, mon garçon. »
Mais Axayacatl mourut avant de pouvoir lancer une autre expédition
contre Michoacân, qui fait partie de ce que vous appelez la Nouvelle-Galicie.
Sous les Uey tlatoani qui suivirent, les Mexica et les Purépecha s’arrangèrent
pour vivre dans une sorte de respect armé mutuel. Du reste, je n’ai pas besoin
de vous rappeler, mes révérends, que votre commandant le plus sanguinaire,
Beltram de Guzman, est encore en ce moment en train d’essayer de réduire les
bandes enragées de Purépecha autour du lac Chapala et dans d’autres coins
éloignés de la Nouvelle-Galicie qui refuse toujours de se soumettre à votre roi
Charles et à votre Seigneur Dieu.
J’ai décrit nos expéditions punitives telles qu’elles étaient. Je suis
sûr que même votre sanguinaire Guzman comprend ce type de guerre, bien que je
ne pense pas qu’il puisse concevoir un conflit où le pays vaincu a le droit de
survivre et d’être indépendant, comme c’était le cas chez nous la plupart du
temps. Maintenant je vais vous parler de nos Guerres des Fleurs, parce que
c’est une chose que vous, hommes blancs, ne pouvez pas comprendre. Je vous ai
entendu demander : « Comment peut-il y avoir tant de guerres inutiles
et sans raisons entre deux pays amis ? Des guerres qu’aucun des deux
partis n’essaye de gagner ? »
Je vais faire de mon mieux pour vous l’expliquer.
Toutes les guerres étaient agréables à nos dieux, naturellement. Un
guerrier mourant répand son sang, offrande la plus précieuse qu’un humain peut
faire. Dans les guerres punitives, on recherche la victoire décisive et les
deux parties combattent pour leur vie. Comme le disait mon vieux maître, les
ennemis ne sont que de l’herbe à faucher. Les prisonniers ramenés pour les
cérémonies sacrificielles étaient assez peu nombreux. Mais qu’un guerrier meure
sur le champ de bataille ou sur l’autel du sacrifice, il avait droit à la Mort
Fleurie qui l’honorait et qui satisfaisait les dieux. Le seul problème – si
l’on prend le point de vue des dieux – était que les guerres punitives
n’étaient pas assez fréquentes. Alors qu’elles procuraient aux dieux leur sang
nourricier et qu’elles permettaient à de nombreux soldats de devenir leurs
serviteurs dans un autre monde, ces guerres n’étaient que passagères. Les dieux
auraient pu avoir à attendre, jeûner et ne pas boire pendant des années. Ils
n’étaient pas contents et au cours de l’année Un Lapin, ils nous le firent
savoir.
Cela s’était passé environ douze ans avant ma naissance, mais mon père
en avait conservé un très vif souvenir et il en parlait souvent avec force
hochements de tête attristés. Cette année-là, les dieux envoyèrent sur le
plateau l’hiver le plus rude qu’on ait jamais connu. Outre le froid mordant et
le vent glacial qui tua de nombreux enfants, des vieillards en mauvaise santé,
des animaux domestiques et même des animaux sauvages, pendant six jours la neige
tomba, détruisant toutes les récoltes de l’hiver. La nuit, on voyait dans les
cieux de mystérieuses lumières : des bandes ondulantes et verticales de
lumières de couleurs froides que mon père décrivait comme étant :
« Les dieux parcourant les cieux d’un pas menaçant et ne laissant voir
d’eux-mêmes que leurs manteaux tissés de plumes de héron blanches, vertes et
bleues. »
Et ce n’était que le commencement. Le printemps mit fin au froid et
apporta en même temps une chaleur accablante. Puis vint la saison des pluies,
mais il ne plut pas. La sécheresse dévasta les récoltes et tua les animaux
aussi sûrement que l’avait fait la neige. Ce ne fut pas tout. Les années
suivantes furent également fatales dans l’alternance du froid, du chaud et du
manque d’eau. Avec le froid, les lacs gelèrent, avec la chaleur, ils
s’asséchèrent. Ils devinrent si tièdes et si salés que le poisson
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