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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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ses
rondes, passait comme l'éclair, en laissant derrière lui une petite
traînée de fumée qui se mêlait à des flammèches rouges de sa torche
ardente. L'homme se cachait même de ces compagnons accidentels de
sa course solitaire, et se repliant sous quelque voûte ou quelque
entrée de porte jusqu'à ce qu'ils fussent passés, il sortait de là
quand ils s'étaient éloignés et continuait d'errer seul.
    Être seul et sans abri en rase campagne,
entendre le vent gémir, guetter le jour pendant toute une longue
nuit fatigante, écouter tomber la pluie, et se tapir, pour avoir
chaud, sous la retraite abritée de quelque vieille grange ou de
quelque meule, ou dans le creux d'un arbre, c'est une horrible
chose, mais moins horrible que d'errer çà et là où se trouvent des
abris, des lits et des dormeurs par milliers créature sans asile et
qu'on rejette. Fouler d’heure en heure les pavés retentissants en
comptant la monotone sonnerie des horloges, observer les lumières
qui scintillent aux fenêtres des chambres, penser quel heureux
oubli de la vie renferme chaque maison, se dire qu'il y a là des
enfants roulés ensemble dans leurs lits, que les jeunes, les vieux,
les pauvres, les riches, jouissent tous là de l'égalité devant la
sommeil, et goûtent tous le repos, n'avoir rien de commun avec le
monde endormi autour de soi, pas même le sommeil, don de Dieu à
toutes ses créatures et ne se connaître d'autre parenté que le
désespoir ; se sentir, par le misérable contraste avec toute
chose de tout côté, plus absolument seul et plus proscrit que dans
un désert inabordable : c’est un genre de souffrance que
mainte fois les grandes cités roulent dans leurs flots populeux et
qui ne peut naître que dans la solitude en pleine foule.
    Le malheureux homme arpenta en tous sens ces
rues si longues, si ennuyeuses, si semblables les unes, aux autres,
et souvent il jeta un regard attentif vers l'est, espérant voir les
premiers faibles rais du jour, mais la nuit obstinée gardait encore
le ciel en sa possession, et la course inquiète et incessante du
rôdeur ne trouvait pas de repos.
    Une maison dans une rue écartée brillait du
joyeux éclat des lumières : on y entendait le son de la
musique et les pas des danseurs. Il y avait là de joyeuses voix et
plus d'un éclat de rire. Pour se rapprocher de quelque chose qui
fût éveillé et qui sentît la joie, il y retourna à plusieurs
reprises, et plus d'un des gais convives qui quittèrent cette
maison quand l’allégresse y était au comble, sentirent leur folâtre
humeur réprimée en le voyant voltiger çà et là comme une âme en
peine. À la fin ils se retirèrent tous jusqu'au dernier, et alors
la maison fut complètement close, et devint à son tour aussi morne
et silencieuse que le reste.
    Sa course errante l'amena une fois à la prison
de la Cité. Au lieu de s'en éloigner à la hâte comme d’un endroit
de mauvais augure, d'un endroit qu'il avait sujet d'éviter, il
s'assit sur quelques degrés qui étaient tout près, et, appuyant son
menton sur sa main, il en considéra les murailles âpres et
rébarbatives, comme si elles promettaient un refuge à ses yeux
harassés. Il fit et refit le tour de cet endroit, il y revint, il
s'y rassit. Il recommença, et une fois, avec un mouvement
précipité, il traversa pour aller où veillaient quelques hommes
dans la loge du portier de la prison, et il eut le pied sur les
marches. Mais ayant regardé autour de lui, il vit que le jour
commençait à poindre, et abandonnant son dessein, il tourna le dos
et s'enfuit.
    Il se retrouva bientôt dans le quartier qu'il
avait parcouru naguère, et l’arpenta en tous sens, comme il avait
fait encore avant. Il descendait une rue infime, lorsque d'une
allée tout près de lui s'élevèrent de bachiques acclamations, et
sortirent nonchalamment une douzaine d'écervelés, se huant,
s'appelant l'un l'autre, puis se séparant d'une manière tapageuse,
prenant différentes routes, et se dispersant en petits groupes.
    Dans l'espoir qu'il y avait à proximité
quelque taverne de bas étage qui lui procurerait un sûr asile, il
entra dans cette cour quand la bande fut partie et il promena ses
yeux à la ronde, afin d'apercevoir une porte à demi ouverte, ou une
fenêtre éclairée, ou quelque autre indice du lieu d'où venaient ces
bambocheurs ; mais tout y était d'une obscurité si profonde,
d’un aspect tellement sinistre, qu’il en conclut que les braillards
ne

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