Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
fameuse bonbonne que la prise de raccordement. Il promet de me rappeler quand il en aura trouvé une au marché noir.
    Mon amie Manjeet est d’avis que je dois aller dans un autre bureau du gaz, accompagné de sa mère qui connaît bien les mœurs de Bombay. Sur place, j’expose mon problème – j’ai besoin d’une bonbonne – et explique que le bureau dont je dépends a malheureusement dépassé ses quotas.
    « Vous connaissez quelqu’un au Rajya Shabha ? me demande l’employé en faisant allusion à la Chambre haute du Parlement.
    — Non, pourquoi ?
    — Ça simplifierait les choses. Les membres du Rajya Shabha peuvent se procurer autant de bonbonnes de gaz qu’ils ont les moyens d’en acheter. »
    La mère de Manjeet juge alors bon de s’interposer.
    « Il a deux enfants, s’écrie-t-elle en prenant à témoin les employées de sexe féminin. Deux petits enfants ! Et il n’a même pas le gaz pour faire bouillir le lait. Du lait, il leur en faut, pourtant ! Ils pleurent ! Comment il peut se débrouiller, lui, sans gaz pour faire bouillir le lait de ses deux bouts de chou ? »
    Dès le lendemain matin, nous avions le gaz dans la cuisine. La mère de mon amie avait réussi à ébranler l’administration. Sans s’embarrasser des règlements, des procédures et des formulaires officiels, elle en avait appelé au bon cœur des fonctionnaires qui, apitoyés, nous avaient indiqué la faille du système : si je commandais une bonbonne de gaz à usage commercial, plus grosse et plus chère que celle à usage domestique, je l’obtiendrais sans délai. Personne jusque-là ne m’avait donné cette information qui scella entre nous une affectueuse complicité. Le reste alla comme sur des roulettes. Les employés du bureau du gaz ont bien voulu faire comme si mon appartement était un commerce, et tous les deux mois, tenaillés par la vision d’horreur de mes deux enfants qui réclamaient leur lait en pleurant, ils m’ont ponctuellement livré l’indispensable bonbonne.
    Censée durer trois mois, celle-ci s’épuise néanmoins en trois semaines. Parce que dans l’un des maillons de la chaîne de livraison, on en a siphonné la majeure partie pour la revendre au marché noir. Il nous est arrivé de tomber en panne un jour où nous recevions dix personnes à dîner. Le seul moyen d’être sûr de ne jamais manquer de gaz consiste à avoir deux bonbonnes. Tout le monde a sa petite combine pour y arriver ; les plus malins donnent une adresse de complaisance à partir de laquelle organiser le transfert, les autres graissent simplement la patte d’un fonctionnaire. Bombay vit de combines ; nous trempons tous dedans. Celui qui s’enrichit de la sorte est plus respecté que celui qui amasse une fortune à la sueur de son front, car si l’éthique bombayite encourage à s’élever au plus vite dans la société, il est clair que la combine est un ascenseur efficace. Inventer une bonne combine, c’est apporter la preuve qu’on a le sens des affaires et l’esprit affûté. S’échiner à la tâche et gagner de l’argent reste à la portée de n’importe qui. Cela n’a rien de si admirable. En revanche, exécuter une bonne combine, ça c’est du grand art !
DEUX SYSTÈMES MONÉTAIRES
    Nous envisageons d’acheter une voiture mais la question demande réflexion. Les rues grouillent de voitures, aujourd’hui, et il y en a de toutes sortes : il est bien fini, le temps du duopole Fiat et Ambassador qui régnait sur la ville quand j’en suis parti. Le problème est que toutes ces voitures neuves n’ont à leur disposition que les vieilles routes d’autrefois. Où l’on circule nettement moins vite de nos jours, bien que les véhicules soient beaucoup plus rapides. Le conducteur qui prend possession de sa Suzuki, Honda ou BMW à moteur à injection juste sortie d’usine a intérêt à maîtriser l’engin, vu qu’en règle générale l’allure d’un trajet en voiture dans Bombay n’excède pas les vingt kilomètres à l’heure. Sur Marine Drive, par exemple, la seule artère où l’on puisse vraiment s’amuser au volant, la vitesse moyenne est passée de cinquante-cinq kilomètres à l’heure en 1962 à quarante en 1979, et en 1990 elle peinait à atteindre les vingt-cinq kilomètres à l’heure. Le soir, Marine Drive est envahi de jeunes qui roulent jusqu’à Nariman Point vitres grandes ouvertes, autoradios à fond, en fonçant aller et retour à quarante, cinquante

Weitere Kostenlose Bücher