Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
Vom Netzwerk:
braguette. Non sans appréhension, je l’avoue, car je me souvenais des propos qu’il avait tenus chez Girish : « Tous ceux qui venaient ici, le boulanger, le laitier, on leur faisait baisser le pantalon. S’ils n’étaient pas faits comme nous, on les tuait. » Le petit bout de peau dont l’absence risquait d’être fatale aux musulmans me manquait, à moi aussi, mais j’avais une bonne excuse : une infection contractée à l’âge de cinq ans – si, si, je te jure, il a fallu opérer, mes parents étaient aux cent coups ; depuis je me suis racheté : le couteau n’a pas entamé mon fils nouveau-né, je dirai un shloka {33} sacré à ton intention.
    Je dus passer le test avec succès puisqu’il décida de me présenter aux siens. Il y avait de la musique, à l’intérieur –  Ni un temple ni une mosquée…, une chanson tirée d’un film. Ses parents étaient là, ainsi que sa petite fille de deux ans. En père et dresseur accompli, il lui demanda de nous montrer quelques tours. « Fais namasté », et la petite joignit les mains à hauteur du visage ; « Serre-lui la main », et elle me tendit sa menotte. Puis un des militants du Sena l’emmena acheter un ballon.
    À quelque temps de là, Sunil et ses deux camarades du Sena sont venus me retrouver chez Ashish, à Andheri. L’endroit, visiblement, leur plaisait : au sixième étage, sur une colline, avec juste en dessous les pulsations bruyantes de la grande artère à la circulation engorgée. Sunil a regardé par la fenêtre : « C’est bien, ici, pour descendre les gens », et il a ponctué la remarque d’un rat-tat-tat saccadé, comme s’il tirait à la mitraillette. Je n’avais pas envisagé l’appartement sous cet angle. Il est vrai que je n’ai pas l’habitude, quand j’entre pour la première fois quelque part, de vérifier la valeur stratégique du lieu, ses entrées et ses sorties.
    Sunil est obsédé par l’idée que la jeune handicapée de Radhabai Chawl a été violée, à plusieurs reprises et en public. Il ne peut pas prouver ce qu’il avance ; le rapport de police ne contient rien de tel. Sunil prétend que dans le seul quartier de Jogeshwari, seize à vingt femmes hindoues ont été violées – autant de faits qui ne sont pas, eux non plus, confirmés par les rapports de police ou les articles de presse. Qu’importe ! L’image est forte, catalytique : une jeune hindoue handicapée maintenue à terre au milieu d’un cercle de musulmans lubriques, pendant que ses parents pris dans les flammes mêlent leurs hurlements aux siens. Bien des guerres ont été déclenchées par un viol, réel ou imaginaire. Et ce sont toujours les hommes que cet acte perturbe assez pour qu’ils veuillent le venger dans le sang.
    Sunil ne dit pas « émeutes » mais « guerre », en utilisant le mot anglais war. Les scènes dont il a été témoin au J.J. Hospital sont des scènes de guerre : il y avait des monceaux de cadavres des deux sexes, simplement identifiés par des étiquettes numérotées. À l’hôpital Cooper qui recevait indifféremment victimes et émeutiers, les blessés allongés côte à côte sans distinction de confession en sont maintes fois venus aux mains. On en a vu qui arrachaient de leurs bras les flacons des perfusions pour les jeter à la tête de leurs ennemis.
    Un des hommes avec nous ce jour-là travaille pour la municipalité. « Ce ne sont pas des musulmans, ces gens-là, mais des hindous, déclare-t-il. Tous des convertis, jusqu’au dernier » ; leur place, selon lui, se trouve au Pakistan. Il dévide la litanie des plaintes et récriminations habituelles : dans les matchs de cricket Inde-Pakistan, ils soutiennent toujours l’équipe pakistanaise ; la loi privée musulmane les autorisant à avoir quatre femmes, ils engendrent chacun une douzaine de marmots alors que les hindous s’en tiennent à deux ou trois. Bombay compte un nombre impressionnant d’habitants, et dans une ville déjà surpeuplée, le sentiment d’être en permanence écrasé par l’Autre devient très prégnant. « Encore quelques années et ils seront plus nombreux que nous », prédit sombrement l’employé municipal. À l’en croire, tous les musulmans trempent dans des activités mafieuses et n’ont aucun scrupule à tuer, contrairement aux hindous qui avant de porter un coup mortel s’interrogent sur le sens de leur geste.
    Sunil a pris le temps de sauver une vie musulmane, lui qui a supprimé

Weitere Kostenlose Bücher