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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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habitants des slums de manière générale a été importé à Bombay par les immigrés de l’intérieur, les campagnards de souche.
    Cousins et oncles sont venus en foule au mariage. L’un travaille sur une plate-forme pétrolière d’Abu Dhabi, « Tu bosses quarante jours, tu te reposes trente » ; un autre, marchand de biens à Bombay, a bâti sa fortune en six ans : établi au Nigeria dans les années quatre-vingt, il s’est enrichi grâce à des opérations de change frauduleuses. Le soir, assis sur un drap à l’arrière de la maison, les hommes boivent de la bière tiède, d’autant plus appréciée qu’elle est prohibée ; la consommation d’alcool est en principe interdite au Gujerat.
    Je me promène dans le village en compagnie de Girish. Nous entrons dans une des plus vieilles maisons, frais sanctuaire au toit de chaume, au sol de terre et de bouse battues. On aimerait s’attarder ici, jouir longtemps de ce calme serein qui pourtant n’a plus d’avenir, au village. Il s’y construit aujourd’hui des structures de brique et de ciment semblables au pavillon du voisin des Thakkar : étouffantes en été et glaciales en hiver. Girish m’entraîne au-delà des manguiers, vers les rizières et les plantations de canne à sucre, pour me montrer un rebord en ciment associé au plus grand plaisir de ses vacances au village : chier dans la nature. Accroupi sur la saillie, il laisse son regard errer sur les terres cultivées qui s’étendent jusqu’à l’horizon et prend tout le temps qu’il lui faut. Une demi-heure ? « Trois quarts d’heure ! » réplique-t-il joyeusement. Je me mets à rire, puis je revois les toilettes de Jogeshwari, ces latrines qu’il a dû utiliser tous les jours jusqu’à l’an dernier. Là-bas, un trou au-dessus d’une fosse d’aisances, un réduit obscur à vocation collective, mal fermé par une porte sur laquelle d’autres viennent régulièrement cogner pour intimer à l’occupant de se dépêcher ; ici, une pastorale idyllique où le temps suspendu invite à faire tranquillement ses petites affaires en ruminant les beautés de la verdure créée par Dieu, avec du bon air frais plein les narines et derrière soi le sol qui se laisse doucement fertiliser. « J’aime bien sentir les herbes me chatouiller le cul ! » ajoute Girish. Cette raison de venir ici en vaut bien une autre.
    Il n’empêche. Je passe une nuit épouvantable, la veille du mariage. L’anti-moustiques que je me suis passé sur la peau attire les sales bêtes au lieu de les faire fuir. Le matelas loué est un nid de puces, qui, vu l’absence de drap, ont un accès direct à ma personne. La serviette de toilette que j’ai enroulée autour de ma tête pour ne plus entendre le vrombissement des moustiques ne me protège pas de la musique de l’orchestre qui n’arrête de jouer qu’au lever du soleil. Ceux qui dorment alentour sur la terrasse n’ont pas l’air si incommodés. Tout de même, à quatre heures un gamin secoue son père et la voix pâteuse de sommeil balbutie : « Les moustiques d’ici sont très petits et très toxiques. » Cela ne m’aide pas à m’endormir. Ces moustiques habitués à prélever leur ration de sang en perçant le cuir épais du bétail me piquent à travers mes vêtements. Au matin, tandis qu’hébété je fends la cohue des abrutis qui encombrent les champs en quête d’un coin tranquille où pisser, une vision surgit dans mon esprit : celle d’un manuscrit enluminé admiré autrefois à Chantilly dont je ne peux m’empêcher de claironner le titre : Les Très Riches Heures du duc de Berry !
    Je fuis le village avant la cérémonie. De même que le fils de famille bombayite avec qui Girish s’est associé et le marchand de biens qui a fait fortune au Nigeria. Enfin le train traverse la banlieue, dehors il y a des bus rouges, des rues, des immeubles, un paysage métropolitain qui nous rend tout excités et joyeux.
    Je vois Girish une dernière fois avant de repartir pour les États-Unis. Au Shiv Sagar qui vient d’ouvrir sur Hill Road, où nous mangeons des idlis – des sandwichs végétariens – et de l’anone accompagnée de crème glacée. Sa situation financière ne s’est pas arrangée, loin s’en faut. La femme de Dharmendra est enceinte et maintenant c’est vers lui que la famille se tourne pour acheter l’appartement d’à côté ; pour cela il faudrait qu’il gagne quinze mille roupies par mois. Il est entré

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