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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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d’amour ? »
    C’est cela même. Raju a jeté son dévolu sur un Marwari, un créateur de mode qui possède deux ou trois boutiques à son nom. Il gagne assez bien sa vie, il vient d’une bonne famille. Peu importe. Girish et ses frères, tous les quatre sans exception, n’adressent plus la parole à Raju depuis deux, trois mois, alors qu’ils vivent sous le même toit.
    « Dans notre milieu, tout le monde vient demander conseil à mon père. Comment pourrait-il conseiller les gens, à présent ? » se lamente Girish.
    Je crois d’abord qu’il fait référence à leur réseau d’amis et de connaissances, puis m’aperçois qu’il parle en fait de sa caste. Les frères ne pardonnent pas à leur sœur unique de vouloir se marier en dehors de sa caste. Les parents, en revanche, se sont faits à cette idée. Je ne cache pas à Girish que je trouve sa réaction stupide. Il devrait accepter le choix de Raju et s’en réjouir puisque le fiancé a l’air plutôt bien. Peut-être, mais il n’apprécie pas la manière dont elle l’a mis au courant. Elle a voulu qu’il descende en bas trois minutes parce qu’elle avait quelque chose à lui dire. Il a obtempéré mais il avait le moral à zéro ; il croyait qu’elle allait lui remonter les bretelles parce qu’il vit toujours aux crochets de la famille et que sa situation ne s’arrange pas. Au lieu de ça, elle lui a parlé de ce garçon. Girish l’a écoutée jusqu’au bout. Quand elle a eu fini, il lui a rappelé qu’avec tout ce qu’il avait démarré sur l’Internet, dans six mois il toucherait le jackpot et qu’il se chargerait lui-même, avec leur père, de lui trouver quelqu’un de convenable dans leur caste. Girish mélange tout : le fait qu’elle ait pris les devants et qu’en plus elle ait jeté son dévolu sur un Marwari devient pour lui indissociable de sa propre incapacité à gagner sa vie et à contribuer à la prospérité familiale – prospérité qui bien sûr attirerait quantité de bons partis pour la fille unique des Thakkar. Raju ne veut pas en démordre : elle épousera son Marwari. Dans ces conditions, Girish ne lui parle plus.
    Je le secoue, lui répète que sa sœur a besoin de lui, qu’elle ne vit pas des choses faciles et qu’il devrait la soutenir. Il se bute : elle a terni la réputation de leur père dans le milieu auquel ils appartiennent. J’insiste : qu’est-ce qu’il a contre ce garçon, après tout ? N’est-ce pas au contraire une bonne chose que Raju ait pris sa décision seule ? Il faut que Girish se réconcilie avec elle. Moi-même, lui dis-je, j’ai fait un mariage d’amour.
    « Toi ce n’est pas pareil. C’est différent, pour toi. »
    Il en reste là, mais la remarque est limpide : je suis un étranger, je ne peux pas comprendre les coutumes indiennes. La voilà, toute la différence entre nous, et elle vient enfin d’éclater au grand jour.
BABBANJI, LE POÈTE FUGITIF
    Mon ami le poète Adil Jussawala feuilletait des livres exposés sur le trottoir en face du Bureau du télégraphe quand le jeune homme qui tenait l’éventaire engagea la conversation avec lui à propos d’un recueil de nouvelles françaises. Le trouvant intéressant, Adil l’invita à venir à un salon d’écrivains qui se tenait en plein air, non loin de là, derrière le théâtre Tata. Ce garçon, me dit Adil, est un fugitif du Bihar. Il a informé son patron qu’il s’absenterait à l’heure indiquée, cinq heures de l’après-midi. L’employeur n’était pas d’accord ; il l’a prévenu : « Si tu t’en vas tu perds ta place. » Le Bihari est allé au salon ; il a perdu sa place.
    Svelte et gracieux, ce jeune homme qui aime la poésie porte une fine moustache et des favoris clairsemés qui ressemblent à une amorce de barbe. Il a l’air très sûr de lui, entêté, même. Est-ce la perspective de rencontrer des poètes, qui l’a attiré vers le groupe, ou l’espoir de trouver un vrai travail par relations avec des anglophones ? Les deux, peut-être. Il se tait pendant la majeure partie de la soirée, les yeux baissés sur la table, incapable de se mêler à la conversation qui se déroule en anglais. Lorsque quelqu’un veut une tasse de thé, une chaise, il se lève et va la chercher sans qu’on le lui ait demandé. Il est à sa place.
    Un poète architecte l’invite à nous présenter un morceau de sa composition. Il récite de bonne grâce un poème rimé en hindi, sur les

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