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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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de parler japonais, alors qu’en Inde c’est un handicap de parler hindi.
    D’autres qui comme moi ont pris Babbanji en amitié au salon d’écrivains décrochent leur téléphone pour essayer de lui trouver du travail. Madan, le photographe avec qui j’ai passé une soirée dans le quartier chaud, lui présente le scénariste Javed Akhtar et sa femme, l’actrice Shabana Azmi. Babbanji est frappé par la simplicité de leur mode de vie – « ils parlent très simplement » – et le fait que lorsqu’il est arrivé chez eux la grande actrice était à sa table en train d’écrire. Elle siège au Parlement et milite beaucoup. C’est l’héroïne préférée de son père.
    Dommage qu’Akhtar se soit moqué de ses origines biharies. Ses certificats, lui a-t-il déclaré, sont sûrement des faux – tout le monde, n’est-ce pas, sait qu’on fabrique ce genre de documents au Bihar. Il a même mis en doute sa capacité à lire et à écrire. Akhtar plaisantait, mais cela participe de la suspicion très répandue chez les citoyens de cette ville à l’égard du malheureux Bihar. Adil a des amis qui travaillent au Navbharat Times , le plus grand quotidien en hindi du pays. Quand il leur a parlé de Babbanji ils lui ont ri au nez. « On cherche des gens capables d’écrire l’hindi d’Allahabad. L’hindi bihari, franchement ce n’est pas notre truc. » Pataliputra, la capitale du Roi Soleil Vikramaditya, se trouve au Bihar. Le Bouddha a vu le jour dans cet État et il y a connu l’illumination. La grande université bouddhiste de Nalanda, un des centres d’enseignement les plus prestigieux du monde entre le V e et le XI e  siècle, se trouve également au Bihar. Tout cela appartient au passé. De nos jours le Bihar est l’État du bouffon Laloo Prasad Yadav, assez vil pour voler des aliments pour animaux {205} . Babbanji ne peut pas échapper à l’histoire tragique de sa terre natale. Il est venu à Bombay comme un voleur. Il n’a dans ses bagages qu’une liasse de poèmes.
    Je lui dis pourquoi Ishaq estime qu’il ne pourra pas lui trouver du travail : « Tous les Biharis sont des voleurs.
    — C’est la vérité ! » répond le jeune homme avec l’amertume de quelqu’un qui a presque renoncé à se battre contre les idées toutes faites. Le libraire pour lequel il travaillait venait du Rajasthan et il ne s’était pas gêné pour le lui dire en face : « Ces salauds de Biharis ne sont qu’une bande de voleurs. » Là-dessus, il l’a renvoyé. « Les gens du Bihar ne savent ni lire ni écrire, m’explique Babbanji. Le taux d’alphabétisme est de 39,51 pour cent : vingt et un points en dessous de la moyenne du pays. Le simple paysan qui ne sait ni lire ni écrire vient à la ville pour travailler. Il est innocent, mais du travail il n’arrive pas à en trouver, alors il traîne. La première personne qui le prend en pitié devient un dieu pour lui. Sauf que de nos jours, quand quelqu’un te donne deux rotis c’est toujours avec une bonne raison ; sa charité a un mobile. Et si jamais le protecteur est un brigand, un filou, il entraînera le paysan dans ses affaires louches. Le Bihari acceptera un roti de n’importe qui. Mais s’il glisse entre les mailles du filet et s’il prend la fuite, les autres le traitent de voleur. » D’où la réputation qu’ont partout les gens du Bihar.
    Babbanji n’a pas encore dix-sept ans. Que je veuille écrire sur lui le trouble et l’embarrasse, il me met en garde contre la difficulté de la tâche : conseil d’ami d’un écrivain à un autre. « Une histoire, on l’écrit sur ceux qui ont une destination en tête. Je suis venu ici pour que mon histoire démarre. Si elle t’intéresse, il va falloir que tu attendes longtemps. La route est longue et je dois encore la parcourir. Je dois laisser l’histoire se dérouler. Qu’est-ce qu’on peut écrire sur seize années ? »
    Son sac est presque exclusivement rempli de papiers : ses certificats, ses poèmes, un carnet. Il écrit sur des bouts de papier ramassés n’importe où. Il m’en montre un échantillon, une jaquette de livre trouvée dans la rue : Les Mouvements positifs, d’Angela Lansbury. Mon programme personnel de mise en forme et de bien-être . Le texte de la quatrième de couverture est une profession de foi : « Je crois qu’il n’est jamais trop tard pour prendre certaines mesures destinées à entretenir la mobilité et à s’engager plus

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