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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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Quand serai-je libéré ? »
    Le cadet continue d’étudier alors que ses compagnons mangent. Il a quelque chose d’attendrissant, comme s’il s’obligeait à faire bonne figure. « Il a toujours été très proche de sa mère », me confie Sevantibhaï. Quand le père le gronde, il prend la plume pour se plaindre à la nonne qui fut sa mère. Et elle lui répond. Ils s’écrivent à raison d’une lettre chacun par semaine. Le maharaj Chandrashekhar ne s’y oppose pas. Quand j’interroge le fils sur cette relation épistolaire, il élude à la manière d’un adolescent qui feint l’indifférence vis-à-vis de la fille dont il est fou amoureux : « Si elle m’écrit, je lui réponds. »
    Ni lui ni son frère n’appellent Rakshaben mère ou maman. À la place, ils utilisent le nom qu’elle a reçu lors de la diksha : Divya Ruchita Sreeji. Ils ne parlent pas de leur sœur. Le lien qui existe entre les jumeaux Utkarsh et Karishma va pourtant bien au-delà de l’affection normale de mise entre frères et sœurs. Pas une fois Chiku ne mentionne la jumelle sacrifiée sur l’autel du renoncement. L’aîné précise que s’il leur arrive de retrouver les deux femmes ils ne pourront pas s’asseoir près d’elles. « Il faut se tenir loin », dit-il en m’indiquant du bras la distance réglementaire qui doit séparer, non plus une mère et un fils, un frère et une sœur, mais un homme et une femme qui sans le frein de la règle monastique seraient susceptibles de céder à la tentation. Ils peuvent se réunir pour discuter de points de doctrine à condition d’avoir l’autorisation de leurs gourous respectifs, mais ils ne peuvent pas se dévisager et doivent en permanence garder un linge sur la bouche. La mère ne pourra jamais, plus jamais toucher le garçon qu’elle a mis au monde. « Une dame ne peut pas s’asseoir avant cent quarante-quatre minutes à la place où je me suis assis, et je ne peux pas m’asseoir avant quarante-huit minutes à la place où une dame s’est assise parce que l’aura de son corps s’y attarde tout ce temps. »
    Sevantibhaï et les deux garçons ne mangeaient qu’une fois par jour, au début ; entre-temps le cadet a eu la jaunisse et son régime a été adouci à deux repas. Les prescriptions alimentaires sont levées si nécessaire en cas de maladie, car le corps, véhicule du sâdhana {225} , doit rester en vie. Ce qui ne veut pas dire qu’il doit se sentir bien. Quand l’adolescent a eu la jaunisse, le gourou maharaj a décrété qu’il avait les cheveux trop longs et devait se soumettre au lochan. Affaibli par la maladie, le teint brouillé, il a donc dû s’asseoir aux pieds du gourou, qui après lui avoir étalé sur la tête de la cendre de charbon lui a attrapé les mèches à poignées pour les arracher à la racine. Ce moment, m’avoue Chiku, fut ce qu’il a vécu de plus dur ces derniers mois.
    L’adolescent ne se rappelle pas grand-chose de son passé, de Bombay. Je lui demande comment il envisage l’avenir. « Je ferai ce que me dira le gourou maharajsaheb. » Peut-il expliquer ce qui l’a poussé vers la diksha ? Les yeux baissés sur le cahier d’écolier avec lequel il révise ses leçons de sanskrit, il répond, et c’est presque un aveu : « On dit que celui qui opte pour la diksha atteindra le moksha. Au stade où j’en suis, je l’ignore. » Il a fait confiance à son père, mais avait-il vraiment le choix ?
    Sevantibhaï m’a donné cette définition du moksha : « La félicité du moksha abolit le désir. » On ne saurait exprimer les choses plus franchement : le salut est dans le non-désir.
    En rentrant sur Patan, je décide de m’arrêter au temple du Soleil de Modhera, construit au XI e  siècle. Le chauffeur trouve en effet qu’il vaut le détour et il m’emmène donc jusqu’au village pour se garer devant une bâtisse flambant neuve, aux murs de couleur pastel sur lesquels les noms des généreux donateurs s’étalent en gros caractères. Je lui affirme qu’il en existe un autre, plus ancien.
    Le temple du Soleil est absolument exquis. L’idole centrale y était positionnée de façon à recevoir directement les rayons du soleil levant à l’équinoxe. Le lieu saint ne contient plus d’idole mais en longeant les murs de l’ancien édifice en pierre je remarque qu’ils sont couverts de scènes érotiques. Ici, une femme penchée en avant tient dans sa bouche le pénis d’un homme tandis

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