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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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appliquions à guider avec précision, laissant filer la ficelle ou la retenant fermement avec l’impression de voler nous aussi haut, très haut au-dessus de la ville massive. Mon cœur bondissait dans le ciel. Quand les joujoux se déchiraient, nous les réparions avec une pâte faite d’une bouillie de reste de riz cuit mélangée à de l’eau. Montés sur les terrasses des toits, nous engagions des duels avec les immeubles voisins. Les éclats de verre fichés dans les ficelles sectionnaient proprement les fils des concurrents, et ces échardes ont mutilé plus d’un gamin en lui tranchant net un doigt. Kaaayyypooo – ce cri lancé à pleins poumons saluait la victoire d’une équipe. Les garçons d’aujourd’hui installent de gros baffles sur les toits des immeubles. À la fin d’un duel, les enceintes envoient résonner à travers les cieux victorieux la voix de Freddie Mercury, qui fut un enfant de Bombay : We are the champions !
    Avec nous sur la terrasse, les proches parents de mon cousin sont éperdus d’amour pour son dernier-né. Ils sont aussi très gentils avec mes fils, mais ce n’est pas pareil ; nos liens familiaux sont plus lâches. Mes deux rejetons ne me quittent pas d’une semelle, ce qui rend la différence plus criante encore. Une fois de plus, ils regardent de l’extérieur les autres jouer au cerf-volant.
    « Pourquoi veux-tu retourner en Amérique ? » Je pose cette question à Gautama un jour où nous rentrons à pied de Pali Hill après avoir déjeuné là-bas sur le pouce. Il a cueilli une fleur de champak et je lui ai montré comment confectionner avec une broche pour sa mère : en rabattant les pétales en arrière, en les tressant ensuite avec la tige. Je lui ai montré la gousse pleine de graines qui ferait une crécelle parfaite pour Akash.
    Comme il se taisait, je me suis baissé pour me mettre à sa hauteur et, très sérieusement, je lui ai demandé de me répondre.
    « Parce que la famille là-bas voudrait bien que je revienne. Ils le disent tout le temps au téléphone. »
    Voilà une raison largement suffisante de rentrer : la famille a envie de le revoir. C’est la raison pour laquelle je suis revenu moi-même, maintes et maintes fois. La famille est là-bas – pas simplement papa et maman mais les grands-parents, les tantes, les cousins –, et plus que la culture, plus qu’un pays, la famille est ce qu’il faut aux petits enfants. Juste au moment où nous commencions enfin à vivre agréablement à Bombay, nous allons donc déménager dans l’autre sens, repartir pour New York. Et c’est très bien ainsi, car les questions avec lesquelles j’étais arrivé ont trouvé leurs réponses. Je peux revenir, et je peux repartir. Parcourir à nouveau le monde en confiance.
    Le dernier jour que je passe à Bombay est un dimanche, qui marque le début ou la fin de la semaine. Je m’offre un déjeuner plantureux dans un bouge de Madhavbagh, le Khichdi Samrat. On y prépare diverses variétés de khichdi qui mijotent dans de grands bacs et l’on vous apporte à table celle de votre choix accompagnée d’un petit bol de khadi et de pickles. Avec en plus des parathas au chou-fleur, du sev tamatar ki sabzi {227} , des papadams, du babeurre bien frais servi dans une bouteille de bière, cela fait un excellent repas. Ainsi lesté, je vais me promener autour de CP Tank {228} et en cours de route j’achète de l’encens, bois un Coca marsala, cherche surtout des ustensiles en fonte à rapporter à New York. La fonte n’est plus très à la mode dans les cuisines modernes ; on lui préfère l’inox, l’alu ou le non-adhésif. Les quelques personnes croisées en chemin affirment ne pas connaître de boutiques qui en vendent encore et me disent que si par miracle j’arrive à en trouver une elle sera sûrement fermée. On est dimanche après-midi ; Bombay se permet de souffler. Repus de pulpe de mangue et de puris, les gens du quartier s’affalent sous les ventilateurs. Le revendeur de vieux papiers à qui je m’adresse envoie un gamin réveiller le bonhomme qui habite au-dessus d’un magasin au rideau tiré. J’explique ce que je cherche au type descendu en lunghi. Il se glisse sous le rideau, ressort avec quatre petites cocottes en fonte qu’il propose au prix de quinze roupies pièce, autrement dit rien. J’achète le lot. Il s’est arraché à son paisible somme dominical pour une vente qui ne lui rapporte qu’un bénéfice insignifiant.

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