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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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du quartier du Fort dans un épais nuage de fumée noire. Les munitions avaient pris feu et le bateau amarré explosa alors que le quai grouillait de dockers et de pompiers. Deux cent quatre-vingt-dix-huit personnes moururent sur le coup.
    Puis il se mit à pleuvoir.
    Le ciel de Bombay déversait sur la ville une pluie d’or et d’argent mêlée de bouts de maçonnerie, de briques, de linteaux en acier, de membres et de torses humains projetés en tous sens à des distances aussi considérables que Crawford Market. Un bijoutier qui travaillait dans son échoppe du bazar Jhaveri vit atterrir sous ses yeux un lingot d’or passé par le toit. Une poutrelle métallique pulvérisa la verrière de Victoria Terminus, la gare centrale. Une plaque en fer tombée sur un cheval décapita à moitié l’animal. Les docks étaient jonchés de fragments de corps épars. Jamais jusqu’alors Bombay n’avait été touché par la guerre. Ce jour-là, on aurait dit que la ville venait d’être bombardée.
    Les conséquences de la terrible catastrophe du Fort Stikine se font encore sentir aujourd’hui. Dans les années soixante-dix, d’autres lingots d’or remontèrent à la surface lors d’opérations de dragage du port. L’explosion avait aussi créé une montagne de décombres plus ordinaires, que les autorités municipales britanniques décidèrent d’exploiter pour gagner sur la mer. Back Bay, où poussaient autrefois des mangroves, fut en partie comblé pour former ce qui est à présent Nariman Point. Au fil du temps, ce site finit par accueillir la zone de bureaux la plus mal conçue de l’Inde moderne, et la première responsable de l’état du Bombay moderne.
    À l’entrée de Cama Chamber, un écriteau accroché en évidence sur le bâtiment n° 23 prévient :
     
    ATTENTION
    Cet édifice dangereux est menacé d’écroulement. Quiconque s’y introduit le fait à ses risques et périls. Les propriétaires ne sauraient être tenus pour responsables des dommages corporels et de la dégradation des biens.
    Les Propriétaires
     
    Ce dangereux édifice auquel on accède par des marches en bois étroites abrite des bureaux signalés par des panonceaux : des cabinets d’avocats et de comptables, des officines de courtage. Ces lieux de travail sont soignés, modernes, climatisés, équipés d’ordinateurs qui clignotent et scintillent. Seules les parties communes sont délabrées. Au rez-de-chaussée, des trous béants marquent l’emplacement des fenêtres, et à ce niveau les propriétaires ont renouvelé leur inquiétante mise en garde. La loi leur imposant de fixer des loyers d’un montant dérisoire, ils n’investissent pas dans les réparations et s’en tiennent à ces incitations à la prudence qui, espèrent-ils, suffiront à effrayer les clients des entreprises installées à l’intérieur.
    Une autre catastrophe s’abattit sur Bombay à la fin de la Deuxième Guerre mondiale : la loi de 1947 sur le contrôle des loyers, du prix des hôtels et des pensions de famille, mieux connue ici sous le nom de « loi sur les baux locatifs ». La ville ne s’est toujours pas remise de cette commotion législative. Promulguée en 1948, la loi a gelé à leurs niveaux de 1940 les prix de toutes les locations en cours ; quant aux baux locatifs conclus par la suite, ce sont les tribunaux qui en fixaient le montant en fonction d’un « loyer standard » qui, une fois déterminé, ne pouvait plus augmenter. La loi contenait également des dispositions assurant le transfert du droit locatif, sans majoration du montant versé, aux héritiers des locataires en titre. Le locataire qui acquittait régulièrement son loyer n’avait rien à craindre d’une expulsion et son bail était systématiquement reconduit. Au départ il s’agissait d’une mesure d’urgence, adoptée pour une durée de cinq ans afin de mettre les locataires à l’abri de l’inflation et de la spéculation surgies dans le sillage de la guerre. Dès les premiers temps du conflit, Bombay avait accueilli des troupes nombreuses. Les loger n’allait pas de soi, dans cette ville populeuse, mais les soldats étaient riches et cela ne laissait pas les propriétaires insensibles. Ils augmentèrent les loyers au maximum de ce que pouvait tolérer le marché. Ceux qui n’avaient pas les moyens de s’aligner – les Indiens – se retrouvèrent chassés de la ville. Les visiteurs de passage amenés par la guerre menaçaient de déposséder les

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