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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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plus qu’avec leurs gardes du corps. Le Tigre lui-même pousse des cris d’orfraie quand le bataillon de sécurité mis à sa disposition passe de cent soixante-dix-neuf à cent trente-neuf hommes ; il obtiendra gain de cause après l’assassinat de quelques pramukhs. Les griffes du Tigre se sont émoussées. Il a des problèmes cardiaques, on prévoit déjà que son fils et son neveu s’affronteront pour sa succession. Les vieux cadres du parti sont trop gras, trop riches, trop mous. Ils ne peuvent plus se permettre de passer les bornes comme autrefois, maintenant qu’ils ont des appuis dans les cabinets ministériels de Delhi. Le BJP a suffisamment d’influence pour calmer l’ardeur des soldats des rues. Sous la gouverne d’Uddhav, le fils de Thackeray, le Sena risque de devenir un simple parti régional, un club de politiciens. Ça barde dans les hautes sphères du Sena ; le Tigre accuse ses partisans d’avoir transformé sa formation en « association de retraités ».
    Il faudra bien que la colère des jeunes et des pauvres trouve un autre exutoire. Les gangs lui en fourniront si le Sena déclare forfait. Le parti est condamné à rester au diapason de cette rage, incapable qu’il est de la canaliser, de la stocker, de l’absorber. Les vagues successives de jeunes gens qui ont mené ses batailles dans la rue au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont été récompensés. Comme Sunil, ils se sont embourgeoisés, se sont lancés dans les affaires ou sont devenus « officiers ministériels spéciaux ». Ils jouent les importants, mettent leurs gosses dans des écoles anglaises. Ceux qui sont arrivés après eux ont plus de mal à s’en sortir. Si le Sena n’exploite pas leur colère, ils iront la déverser ailleurs. Cette fois, il n’est pas sûr que ce soit un parti politique qui en profite, ni une religion, ni même la mafia ou un groupe de malfrats. On assistera peut-être à une explosion de colère urbaine informe et sans cause apparente, portée par de jeunes mâles qui n’ont pas la foi et pas d’idéologie. Des jeunes gens qui vivent en transit dans leur propre ville, enfermés dans leurs moi individuellement multiples.

Mumbai
    De même que nos vies à tous s’organisent autour d’un événement central, l’histoire de chaque ville est marquée par un événement catalyseur. Pour le New York contemporain, c’est le 11 septembre 2001 et les attentats contre le World Trade Center. Pour le Bombay de mon époque, ce sont les émeutes et les attentats à la bombe de 1993. Bombay avait été épargné par les atrocités de la Partition, en 1947. Le seul souvenir de guerre que je conserve de mon enfance est cet incident lié au conflit de 1971 avec le Bangladesh : une nuit qu’un avion de ligne avait survolé la ville par erreur, les sirènes de la défense antiaérienne se mirent à hurler, des obus traçants fusèrent de Raj Bhavan, la résidence du gouverneur qui se trouvait à proximité, et pour nous protéger mon père nous a cachés sous des matelas. À l’école, on nous apprenait à nous tapir sous nos bureaux au cas où une bombe nous tomberait dessus.
    La psyché de la ville gardait toutefois la trace d’un traumatisme antérieur qui continuait à déterminer un avant et un après, dans les mémoires des anciens : l’explosion du Fort Stikine , le 14 avril 1944.
    Le Fort Stikine était un cargo censé transporter des balles de coton, et comme les centaines de bateaux qui en ce temps-là et aujourd’hui encore devaient attendre d’avoir un mouillage au port, il stationnait au large. La pression intense à laquelle étaient soumises les balles de coton entassées sous le pont et la chaleur torride qui régnait ce jour-là se combinèrent pour provoquer l’embrasement de la cargaison. L’accident n’aurait pas été catastrophique en soi, du moins pour ceux qui ne se trouvaient pas à bord, si les cales du Fort Stikine n’avaient pas contenu tout autre chose que du coton, à savoir des explosifs (cela se passait pendant la guerre) et un chargement secret d’or et d’argent d’une valeur de deux millions de livres sterling, acheminé de Londres pour stabiliser la roupie indienne qui chutait sérieusement. Là-dessus, le service incendie prit la pire décision, et au lieu de saborder le navire au large il le remorqua dans le port. À quatre heures moins le quart, une déflagration retentissante, bientôt suivie d’une autre, pulvérisa les fenêtres

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