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Bombay, Maximum City

Titel: Bombay, Maximum City Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Suketu Mehta
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résidents de souche. La loi sur les baux locatifs est née de ce constat.
    Une fois la loi votée, cependant, il se révéla politiquement impossible de l’abroger en raison de la supériorité numérique écrasante des locataires sur les propriétaires. Les deux millions et demi de locataires de Bombay forment le plus puissant des groupes de pression. Tous les partis politiques les défendent bec et ongles, et à ce jour la loi sur les baux locatifs a été prorogée plus de vingt fois. Les locataires ont même fait une offre à leurs bailleurs : pour cent fois le montant du loyer fixé, ils sont prêts à racheter les biens immobiliers qu’ils louent en vertu de contrats vieux d’un demi-siècle. Cela permettrait d’en finir avec les chicanes sur le partage des responsabilités, puisque les locataires deviendraient propriétaires. À ce détail près que les emplacements les plus cotés de la ville changeraient alors de mains moyennant une somme inférieure au prix de vente d’un taudis d’une pièce en bidonville. Les propriétaires ne pouvant que refuser d’entretenir les immeubles, il n’y a à court terme aucune possibilité d’améliorer ou d’augmenter le parc de logements de cette ville bâtie sur la mer, qui sombre un peu plus chaque année. De l’aveu même des pouvoirs publics, vingt mille immeubles très délabrés devraient être rénovés au plus vite ; moins d’un millier par an fait l’objet d’une restauration.
    Les revenus respectifs des locataires et des propriétaires ne changent rien à l’affaire, aux yeux du législateur. Les dispositions de la loi sur les baux locatifs s’appliquent également aux locaux commerciaux, pour le plus grand profit de multinationales et d’organismes gouvernementaux qui les louent une bouchée de pain. Les occupants des villas de Malabar Hill comptent parmi les plus grosses fortunes de la ville ; depuis deux générations, ils héritent de père en fils de leurs loyers à taux fixe. La loi sur les baux locatifs étrangle Bombay, au grand dam des nouveaux venus, des jeunes et des pauvres. À cause d’elle, les amants ne trouvent pas un endroit où s’isoler ; et parce qu’elle pousse les bourgeois et les riches à s’incruster, c’est en vain que ceux qui arrivent d’ailleurs cherchent un logement correct à louer. Cette loi est une version extrême de la taxe de séjour, à cela près qu’au lieu de dissuader les gens de venir s’installer en ville elle les condamne à un mode d’existence sordide.
    Dans les années trente, les affichettes « Appartement à vendre » fleurissaient dans Bombay. Les acheteurs ne se bousculaient pas, car à l’époque le crédit immobilier n’existait pas. Aujourd’hui encore, il est assez rare d’emprunter pour l’achat d’un logement. La plupart des gens payent comptant, et pour partie au noir : ils versent un chèque d’un montant équivalent à la valeur ayant servi de base au calcul de l’impôt foncier, et complètent en glissant discrètement sous la table des sacs en plastique bourrés de billets. L’entrée en vigueur de la loi sur les baux locatifs est à l’origine du pugree, sorte de pas-de-porte à l’envers puisqu’il consiste à payer un locataire pour qu’il libère les lieux. La pratique autrefois considérée comme un délit s’est tellement répandue qu’en 1999 il a fallu la légaliser. Les batailles juridiques autour de la loi sur les baux locatifs dégénèrent en guerre ouverte. Il y a peu, l’annonce de son réexamen par les pouvoirs publics a contraint le directeur de l’Association des propriétaires immobiliers à rester bouclé chez lui un mois durant sous la protection d’un garde armé. Cette situation dantesque n’est pas près de se dénouer, car les activistes professionnels se retrouveraient alors au chômage, ainsi que me l’a confié l’un d’entre eux.
    Soit on est pour le droit individuel à la propriété, soit on est contre ; soit le citoyen ne peut prétendre avoir ad vitam æternam la jouissance d’un bout de terrain, soit il est fondé à la revendiquer, auquel cas il est normal qu’il puisse s’appuyer sur la loi. Le propriétaire d’un appartement devrait légitimement pouvoir le récupérer à expiration du bail. Et quand la municipalité aménage un jardin public sur une parcelle lui appartenant, elle devrait avoir la liberté d’abattre les bâtiments indûment bâtis dessus. Or, depuis la réforme constitutionnelle de 1979,

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