Bonaparte
en fais mes compliments !
Cela ne l’empêchera pas d’accorder une pension de douze cents francs au malheureux professeur.
À Brienne, Napoleone fait la grimace devant le latin et aborde même versions et thèmes « avec répugnance et dégoût ». Par contre, ses dons pour les mathématiques s’affirment. « Il était incontestablement, selon moi, nous dit Bourrienne, le plus fort de toute l’école. J’échangeais quelquefois avec lui la solution des problèmes qu’on nous donnait à résoudre, et qu’il trouvait sur-le-champ avec une facilité qui m’étonnait toujours... »
L’instruction religieuse donnée par les Pères le révolte déjà.
— J’entendis un sermon, racontera-t-il, où un prédicateur disait que Caton et César seraient damnés. J’avais onze ans. Je fus scandalisé d’apprendre que des hommes les plus vertueux de l’Antiquité seraient brûlés éternellement pour n’avoir pas suivi une religion qu’ils ne connaissaient pas... Dès ce moment, je n’eus plus de religion.
Il dévore tous les livres de la bibliothèque. En 1814, il montrera à ses compagnons un arbre, à Brienne, en leur disant que sous ses ombrages il avait lu la Jérusalem délivrée.
Il travaille avec tant d’ardeur – passant parfois des nuits à « méditer les leçons de la journée » – « LA PAILLE AU NEZ » qu’il maigrit. Il a une mine épouvantable – si épouvantable que lorsque Mme Letizia, en 1782, ira prendre les eaux de Bourbon, et s’arrêtera à Brienne pour voir son fils, elle hésitera à le reconnaître.
— Ma nature, expliquera-t-il, ne pouvait pas supporter l’idée de ne pas être tout d’abord le premier de la classe.
Ses succès scolaires lui valent, à la distribution des prix de 1781, d’être couronné par Mme de Montesson qui accompagne le duc d’Orléans. On le sait, le père de Philippe-Egalité n’ayant pu faire de Mme de Montesson une duchesse d’Orléans, l’avait épousée morganatiquement et avait pris le parti de vivre depuis « en Monsieur de Montesson »...
— Puisse-t-il vous porter bonheur, aurait dit Mme de Montesson en donnant son prix au jeune Buonaparte.
Autre baume pour l’amour-propre du petit Corse si souvent blessé : la visite annuelle, le jour de la fête du roi, au splendide château qui dominait – et domine toujours – la petite ville. Le cadet Buonaparte est ébloui par les salons blanc et or de la demeure de M. de Brienne, ces grandes salles parquetées ou dallées de marbre, ce théâtre, cette bibliothèque, et, surtout, par cet immense salon qui forme le centre du logis et s’ouvre à la fois sur le parc et sur la cour d’honneur.
Le coeur battant, Buonaparte et ses camarades, précédés de laquais galonnés d’argent, pénètrent dans « l’appartement royal » où trône le lit réservé au souverain s’il lui prenait la fantaisie de passer la nuit à Brienne. Seul, Mgr le duc d’Orléans couchera dans ce lit surmonté d’un dais de velours bleu et empanaché de plumes blanches – ce lit que, en 1805, voudra bien honorer l’empereur Napoléon partant se faire sacrer roi d’Italie...
Lors de la fête du roi, en l’année 1783, on a placé, au-dessus de l’entrée du collège, un portrait du souverain s’appuyant sur la Justice et la Vérité, entouré par une banderole sur laquelle ces mots ont été tracés :
À Louis XVI, notre Roi.
Depuis le matin, les élèves font éclater des pétards en signe de liesse. « Tout cadet de quatorze ans, nous raconte l’un des condisciples de Buonaparte, avait la permission d’acheter une certaine quantité de poudre pour la Saint-Louis et pendant la quinzaine qui précédait ce jour de fête, tous les jeunes ayant cet âge préparaient en commun leurs feux d’artifice. »
« Tous les jeunes », sauf Napoleone qui, ce jour-là, s’est retiré dans la paix de son petit jardin, fuyant les manifestations bruyantes. Dans la soirée, une violente explosion se fait entendre : une boîte de poudre a éclaté au milieu des élèves. L’explosion a fait une brèche dans le mur du jardin de Buonaparte... Il ne peut contenir sa colère en voyant ses fleurs saccagées, sa tonnelle renversée.
S’emparant d’une pioche il retourne furieusement la terre à droite et à gauche, ce qui a pour effet de le calmer et de calmer ses camarades. Comme il a un sens inné de la justice, il reconnaîtra ses torts plus tard, et acceptera sans murmurer la punition que lui infligeront ses
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