Bonaparte
remarque et en souffre – un peu trop de politesse, « faisant assaut de courtoisie avec le moine, se disputant à qui passerait le premier aux portes ». Pour l’orgueilleux cadet Napoleone cette courtoisie est de la platitude. L’élégant Charles parti vers de nouvelles demandes de prébendes – et aussi vers des consultations médicales exigées par son état de santé –, Napoleone écrit alors à son oncle Nicolo Paravicini. Cette fois, il n’y a aucun doute sur l’authenticité de ces lignes qui témoignent de l’étonnante maturité de cet enfant de quinze ans :
« Mon cher oncle, Je vous écris pour vous informer du passage de mon cher père, par Brienne, pour aller à Paris conduire Marie-Anne à Saint-Cyr, et tâcher de rétablir sa santé. Il est arrivé ici le 21 avec Luciano et les deux demoiselles que vous avez vues. Il a laissé Luciano ici, qui est âgé de neuf ans et grand de trois pieds, onze pouces, six lignes. 11 est en sixième pour le latin... Il faut espérer que ce sera un bon sujet. Il se porte bien, est gras, vif et étourdi, et, pour le commencement, on est content de lui. Il sait très bien le français et a oublié l’italien tout à fait ; du reste, il va vous écrire derrière ma lettre. J’espère qu’actuellement, il vous écrira plus souvent que lorsqu’il était à Autun. Je suis persuadé que mon frère Joseph ne vous a pas écrit. Comment voudriez-vous qu’il le fît ? Il n’écrit à mon cher père que deux lignes, quand il le fait. En vérité, ce n’est plus le même. Il m’écrit très souvent. Il est en rhétorique. Le Principal a dit à mon cher père qu’il n’avait dans le collège ni physicien, ni rhétoricien, ni philosophe, qui eût autant de talent que lui, et qui fît si bien une version. Quant à l’état qu’il veut embrasser, l’ecclésiastique a été, comme vous le savez, le premier qu’il a choisi. Il a persisté dans cette résolution jusqu’à cette heure, où il veut servir le roi, en quoi il a bien tort pour plusieurs raisons. Il a reçu une éducation pour l’état ecclésiastique. Il est tard de se démentir. Monseigneur l’Évêque d’Autun lui aurait donné un gros bénéfice et il était sûr d’être Évêque. Quels avantages pour la famille ! Monseigneur d’Autun a fait tout son possible pour l’engager à persister, lui promettant qu’il ne s’en repentirait pas. Rien. Il persiste. Je le loue si c’est du goût décidé qu’il a pour cet état, le plus beau de tous les corps, si le grand moteur des choses humaines lui a donné – tel qu’à moi – une inclination décidée pour le militaire. »
En marge, on peut encore lire ces mots :
« Mais il faut espérer que Joseph, avec les talents qu’il a et les sentiments que son éducation doit lui avoir inspirés, prendra le bon parti et sera le soutien de notre famille ; représentez-lui un peu tous ces avantages. »
À Paris, Charles Buonaparte à bout de ressources – il a dû emprunter de l’argent – intrigue pour obtenir des subsides, en affirmant « qu’il est réduit à l’indigence par l’entreprise du dessèchement des salines et l’injustice des Jésuites... ». En père quelque peu abusif, il adresse ce billet à Calonne : « Monseigneur, ne pouvant pas avoir l’honneur de vous faire ma cour, attendu votre maladie, je prends la liberté de vous écrire et de vous envoyer quatre mémoires... Je suis père de sept enfants, Monseigneur, le huitième en chemin. Presque sans fortune pour les raisons détaillées dans lesdits mémoires, j’ai l’honneur d’implorer votre protection et votre justice en faveur de ma pauvre famille qui ne cessera jamais de prier pour votre santé et prospérité et qui a toujours été attachée au service du Roy. » Toujours ? Sauf, bien entendu, en 1768, où Charles combattait les troupes du roi de France...
En cet été 1784 – la lettre est du 30 juin – le chef de la « pauvre famille » hante les bureaux afin d’obtenir une bourse d’élève-officier d’artillerie pour Joseph qui semble bien avoir définitivement abandonné ses projets d’entrer au séminaire. « Joseph peut venir ici, explique Napoleone à son père le 13 septembre 1784, parce que le Père Patrault, mon maître de mathématiques, que vous connaissez, ne partira point. En conséquence, Monsieur le Principal m’a chargé de vous assurer qu’il sera très bien reçu ici et qu’en toute sûreté il peut venir. Le Père Patrault est un
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