Bonaparte
excellent maître de mathématiques et il m’a assuré particulièrement qu’il s’en chargerait avec plaisir, et si mon frère veut travailler, nous pourrons aller ensemble à l’examen d’artillerie. Vous n’aurez aucune démarche à faire pour moi puisque je suis élève. Maintenant il faudrait en faire pour Joseph, mais puisque vous avez une lettre pour lui, tout est dit. Aussi, mon cher père, j’espère que vous préférerez le placer à Brienne plutôt qu’à Metz pour plusieurs raisons : 1°) Parce que cela sera une consolation pour Joseph, Lucien et moi ; 2°) Parce que vous serez obligé d’écrire au Principal de Metz, ce qui retardera encore puisqu’il vous faudra attendre sa réponse ; 3°) Il n’est pas ordinaire à Metz d’apprendre ce qu’il faut que Joseph sache pour l’examen en six mois ; en conséquence, comme mon frère ne sait rien en mathématiques, on le mettrait avec des enfants. Ces raisons et bien d’autres doivent vous engager à l’envoyer ici ; d’autant plus qu’il sera mieux... »
Dans cette même lettre, Buonaparte ajoutait : « Le Chevalier – c’est de Lucien dont il s’agit – vous embrasse de tout son coeur. Il travaille fort bien, il a fort bien su à l’exercice public. Monsieur l’Inspecteur sera ici le 15 ou le 16 au plus tard de ce mois, c’est-à-dire dans trois jours. Aussitôt qu’il sera parti, je vous manderai ce qu’il m’a dit... ». Il signe : Buonaparte, l’arrière-cadet.
L’examen final approche, en effet. Napoleone sera-t-il jugé apte à entrer à l’École militaire de Paris ? Déjà, l’ancien inspecteur de l’École – le maréchal de camp chevalier de Keralio – a formulé son jugement en ces termes : « M. de Buonaparte (Napoleone) né le 15 août 1769, de quatre pieds, dix pouces, dix lignes, (1,66 mètre) a fait sa quatrième. Bonne constitution, excellente santé, caractère soumis. Honnête, et reconnaissant, sa conduite est très régulière. Il s’est toujours distingué par son application aux mathématiques. Il sait passablement l’histoire et la géographie. Il est très faible dans les exercices d’agrément. Ce sera un excellent marin. » Un autre examinateur, plus clairvoyant, semble-t-il, précise : « caractère dominant, impérieux et entêté ».
C’est seulement le 22 septembre que l’inspecteur Reynaud des Monts arrive à Brienne. Le ministre de la Guerre – le maréchal de Ségur – l’a autorisé à faire entrer à l’École royale de Paris « tous boursiers des petites écoles se destinant à l’artillerie, au génie ou à la marine, qui se seraient distingués par leur intelligence, leur bonne conduite et leurs connaissances des mathématiques ».
Reynaud des Monts, après l’avoir interrogé, estime que le cadet Buonaparte possède les qualités requises pour entrer à l’École royale de Paris, cette école créée par Louis XV à la demande de la jolie marquise de Pompadour. Napoleone – il vient d’avoir quinze ans – ne se sent plus de joie. Quatre de ses camarades partiront avec lui : Nicolas de Montarby de Dampierre, Jean-Joseph de Comminges, Pierre de Laugier de Bellecour – l’ancien ami de Napoléon – et Henri de Castries.
Le 17 octobre 1784, « M. Napoleone de Buonaparte, écuyer, fils de noble Charles-Marie de Buonaparte », quitte Brienne en malle-poste avec ses quatre camarades reçus comme lui. Le père Berton les accompagne. Le 18 octobre, après avoir passé la nuit à Arcis, Buonaparte et ses compagnons arrivent à Nogent-sur-Seine en fin d’après-midi. S’il faut en croire la tradition, les voyageurs passent la nuit à l’auberge : La Ville de Jérusalem. Le lendemain, au début de l’après-midi, le petit groupe s’embarque au port du Petit-Laurent. C’est en effet, en bateau, pour une somme de neuf livres sept sols par personne, que le père Berton et ses élèves vont gagner la capitale. Les Parisiens appelaient ce coche d’eau « le corbeillard », car Corbeil était sa dernière escale. Le lourd bateau tiré par quatre chevaux nonchalants avançait avec une lenteur si majestueuse que, tout naturellement, l’on donna son nom au char des morts...
Les futurs officiers et leur surveillant arrivent, le 19 octobre, à Montereau, vers six heures du soir. Ils iront passer la nuit à l’auberge. Le 20, le coche d’eau fait escale à Melun et s’arrête à Corbeil à six heures du soir. Les cadets et le père Berton passent une nouvelle nuit à
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