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Bonaparte

Bonaparte

Titel: Bonaparte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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nous allons rentrer en Égypte ; la saison des débarquements m’y rappelle. Encore quelques jours et vous aviez l’espoir de prendre le pacha même au milieu de son palais ; mais, dans cette saison, la prise du château d’Acre ne vaut pas la perte de quelques jours. Les braves que je devrais d’ailleurs y perdre sont aujourd’hui nécessaires pour des opérations plus essentielles. Soldats, nous avons une carrière de fatigues et de dangers à courir... Vous y trouverez une nouvelle occasion de gloire !
    Et la même légende va couvrir le lamentable retour vers l’Égypte. La tragédie – soeur de la retraite de Russie – commence par l’abandon des pestiférés, « ce qui perça le coeur à l’armée, dira le chasseur Pierre Millet, voyant qu’il fallait laisser nos malheureux frères d’armes à la merci des barbares, qui leur coupèrent la tête aussitôt que nous fûmes partis. Plusieurs de ces malheureux venaient criant après nous et nous conjurant de ne pas les abandonner. » Certains reçoivent de l’opium pour s’empoisonner, mais le résultat semble ne pas avoir été « satisfaisant »...
    On enfouit tout le parc d’artillerie non loin du rivage, puis la longue colonne prend la route du sud, s’avançant péniblement dans les sables et sous un soleil de plomb. À Haïfa, on retrouve les pestiférés et les blessés laissés lors de la marche sur Saint-Jean-d’Acre.
    « J’ai vu, racontera Bourrienne, abandonner dans les orges, des amputés, des blessés, des pestiférés, ou soupçonnés seulement de l’être. La marche était éclairée par des torches allumées pour incendier les petites villes, les bourgades, les villages, les hameaux, les riches moissons dont la terre était couverte... Nous n’étions entourés que de mourants, de pillards et d’incendiaires ; des mourants jetés sur les bords des chemins, disaient d’une voix faible : « Je ne suis pas pestiféré, je ne suis que blessé », et pour convaincre les passants, on en voyait rouvrir leur blessure ou s’en faire une nouvelle. Personne n’y croyait : on disait « Son affaire est faite ». Et l’on passait. »
    Eux vivaient !
    Bonaparte l’entend : ses hommes le blâment. Les grenadiers de la 69 e demi-brigade, entre autres, ne mâchent pas leurs mots à l’égard de leur général. Napoléon s’adresse à Audibran, chargé de la construction des fours à l’armée :
    — Que pense-t-on de la levée du siège de Saint-Jean-D’acre ?
    Il lui répond dans se ! langue provençale :
    — Dian qu’avez foutu un pétard didans la fangue {22} ...
    Le 21 mai, l’armée en retraite – pour ne pas dire en déroute – atteint Tantoura, la moderne Dor ; il fait ce jour-là une chaleur étouffante. Les hommes n’ont pour se reposer « que des sables arides et brûlants ; à leur droite, une mer ennemie et déserte ». Les pertes en blessés et malades sont déjà considérables, et Bonaparte, à peine sa tente dressée, appelle Bourrienne pour lui dicter une note : tout le monde doit désormais aller à pied !
    — On donnera tous les chevaux, les mulets et les chameaux aux blessés, aux malades et aux pestiférés qui ont été emmenés, et qui manifestent encore quelques signes de vie... Portez cela à Berthier.
    À peine Bourrienne est-il revenu que Vigogne, l’écuyer du général en chef, pénètre à son tour sous la tente en portant la main à son chapeau :
    — Général, demande-t-il, quel cheval vous réservez-vous ?
    L’apostrophe fait sursauter Bonaparte qui ne peut maîtriser sa fureur. D’un violent coup de cravache il cingle la figure de l’écuyer, en hurlant :
    — Que tout le monde aille à pied, f...e ! moi le premier. Ne connaissez-vous pas l’ordre ? Sortez !
    « Ce fut alors à qui ne donnerait pas son cheval pour les malades que l’on croyait attaqués de la peste, poursuit Bourrienne. On s’informait avec soin du genre de la maladie ; quant aux blessés et aux amputés, l’on ne faisait pas la moindre difficulté. J’avais un très bon cheval pour moi, une mule et deux chameaux ; je donnai le tout avec le plus grand plaisir ; mais j’avoue que je recommandai à mon domestique de faire tout son possible pour ne pas avoir un pestiféré sur mon cheval. »
    On prend maintenant au plus court L’armée longe la côte, évitant le crochet vers Zeitah fait à l’aller. Le ciel est obscurci par la fumée des villages incendiés par les Français. Le 22 mai, Bonaparte s’arrête aux ruines

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