Bonaparte
point tant la présence de Pauline qui inquiète Leclerc, mais de laisser à Paris sa soeur Aimée. S’occuper de cette dernière est pour le brave général « un devoir sacré » et il l’expliqua au Premier consul :
— C’est le sort de ma bonne soeur qui me force à repousser ce qui ferait l’objet de mon envie dans toute autre circonstance. Elle est jeune, elle est jolie, son éducation n’est pas entièrement achevée ; je n’ai point de dot à lui donner ; dois-je la laisser sans appui, lorsque mon absence peut être longue, éternelle !... Je m’en rapporte à votre coeur si dévoué à votre famille. Général, puis-je faire autrement ?
— Non, certainement, répond le Consul. Il faut la marier promptement... demain, par exemple, et partir ensuite.
— Je vous le répète, je n’ai pas de fortune, insiste Leclerc, et...
— Eh bien, ne suis-je donc pas là ? Allez, mon cher, faire vos préparatifs. Demain, votre soeur sera mariée ; je ne sais pas encore avec qui... mais c’est égal, elle le sera, et bien, encore...
— Mais...
— J’ai parlé, je crois, clairement ; ainsi, pas d’observation !
Leclerc, discipliné, salue, sort, et laisse la place à Davout qui vient faire part de son prochain mariage au Premier consul.
— Avec Mlle Leclerc, interrompt Bonaparte ? Je la trouve fort convenable, poursuit-il avant que le malheureux ait eu le temps de donner le nom de sa fiancée.
— Non, général, avec Madame...
— Avec Mlle Leclerc, interrompt de nouveau Napoléon, en appuyant sur ce nom. Non seulement cette union est sortable, mais je veux qu’elle ait lieu immédiatement.
— J’aime depuis longtemps Madame... elle est libre maintenant et rien ne m’y fera renoncer.
— Rien que ma volonté, reprend le Premier consul en fixant sur lui son regard d’aigle. Vous allez vous rendre sur-le-champ à Saint-Germain chez Mme Campan ; vous demanderez votre future ; vous lui serez présenté par son frère, le général Leclerc, qui est chez ma femme ; il ira avec vous, Mlle Aimée viendra ce soir à Paris. Vous commanderez la corbeille qui doit être belle puisque je sers de père à cette jeune personne ; je me charge de la dot et du trousseau, et le mariage sera célébré sitôt que les formalités exigées par la loi seront remplies. J’aurai soin de les abréger. Vous m’avez entendu, il faut obéir.
Il sonne, fait appeler Leclerc qui revient immédiatement.
— Eh bien, lance Bonaparte, avais-je tort ? Voilà le mari de votre soeur. Allez ensemble à Saint-Germain et que je ne vous revoie l’un et l’autre que lorsque tout sera arrangé, je hais les discussions d’intérêt.
Les deux généraux sortent éberlués, mais ne songent nullement à résister... et c’est ainsi que Davout épousera Aimée Leclerc qui ne lui plaira d’ailleurs nullement lorsqu’il fera sa connaissance. Quant à Leclerc, peu après son arrivée à Saint-Domingue, dans l’île qui, on le sait, devait être son tombeau, il pourra écrire : « Je lutte ici contre les Noirs, contre les Blancs, contre la vermine, contre la pénurie d’argent, contre mon armée qui est découragée. »
Et Pauline sera veuve.
Napoléon agent matrimonial, fut rarement heureux. Pour le mariage d’Hortense, Joséphine se met de la partie, voulant donner sa tendre fille à son jeune beau-frère Louis – toujours pour avoir quelque soutien dans la place. Par ailleurs, si Hortense et Louis avaient un fils, pourquoi celui-ci ne pourrait-il pas être adopté par Bonaparte ? De ce fait, Joséphine consoliderait sa propre situation : le spectre du divorce – toujours présent à son esprit – s’éloignerait. Pour aboutir – et sacrifier sa fille à ses intérêts –, il lui faudra mener un véritable combat. Bonaparte, en effet, tient à la candidature de Duroc qui semble amoureux d’Hortense et qui est loin de déplaire à la fille de Joséphine. Ayant voulu imposer son choix, il mène l’affaire tambour battant jusqu’à assigner à son futur beau-fils la résidence de Toulon.
— Je ne veux pas de gendre chez moi, s’exclame-t-il.
Duroc, moins souple que Davout, se rebelle et Hortense épouse Louis en sanglotant. Ses pressentiments ne la trompaient point : ce fut une abominable union qui s’acheva par un divorce. Hortense saura un jour se consoler avec le beau Flahaut qui donnera un frère au futur Napoléon III – et qui sera duc de Morny sous le Second Empire.
Et « l’affaire Lucien » !
Lors du
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