Bonaparte
consul lui aurait dit, peu après le 18 Brumaire :
— Je suis très bien avec mon frère. Il a déjà couché deux fois avec moi.
De la nymphomane et inconsciente Paoletta, rien ne peut surprendre. Si Napoleone caro mio le lui avait demandé, pourquoi aurait-elle refusé ? Mais, tout au long de sa vie, les sens peu exigeants de Bonaparte ne semblent pas l’avoir poussé à commettre une action aussi amorale. Sa manière de se comporter au lit » avec Joséphine ou avec ses maîtresses, paraît avoir été celle d’un homme peu enclin aux complications et fantaisies érotiques...
— Et Hortense ? Nombreux sont les contemporains qui ont affirmé que la belle-fille de Bonaparte avait été la maîtresse de son beau-père. Sans doute aucun lien du sang ne les unissait, sans doute Hortense était bien plus sensuelle que Napoléon, mais on l’imagine mal se laissant aller dans les bras du mari de sa mère qu’elle adorait. On a même dit que le petit Louis, fils aîné d’Hortense, était né de leurs amours. Lorsque l’enfant mourut en 1807, l’Empereur témoigna un certain chagrin parce qu’il perdait surtout un neveu qui aurait pu lui succéder. Et, devant l’immense désespoir d’Hortense il écrira à Joséphine avec désinvolture : « Hortense n’est pas raisonnable et ne mérite pas qu’on l’aime, puisqu’elle n’aimait que ses enfants. » Il ajouta pour Joséphine, dont la douleur fut peut-être égale à celle de sa fille : « Tâche de te calmer, et ne me fais point de peine. À tout mal sans remède, il faut trouver des consolations. » Aurait-il parlé ainsi de la disparition de son fils ?
On a également prêté au Consul, puis à l’Empereur, plus de maîtresses qu’il n’en eut vraiment, bien que ses amours d’antichambres et de coulisses aient été fréquentes. Et Joséphine, si elle ne voulait pas déclencher une scène, devait fermer les yeux et admettre que les infidélités de son mari comptaient fort peu pour lui.
— L’amour n’existe pas réellement, dira-t-il un jour. C’est un sentiment factice né de la société. Je suis peut-être peu propre à en juger : je suis trop raisonnable...
N’avait-il pas adoré Joséphine à la folie ?
— J’ai pu passer huit jours, expliquera-t-il, quinze jours sans dormir à cause d’une femme, mais ce n’est pas là de l’amour. On a beau dire, l’amour ne résiste pas à l’absence.
Il semble avoir oublié aujourd’hui son désespoir lorsque la volage créole se refusait à venir le rejoindre en Italie.
On le vit au début du Consulat s’intéresser à une jeune pensionnaire du Théâtre-Français, Thérèse-Étiennette Bourgoin, ancienne danseuse, et dont le physique de petite fille se rendant au catéchisme formait un piquant contraste avec ses « plaisanteries épicées ». Chaptal appréciait fort celle que l’on nommait « la déesse de la joie et des plaisirs », et la protégeait officiellement. Sans doute le ministre de l’Intérieur – la Police ne dépendait point alors de ses services – ignorait-il l’intérêt que Bonaparte portait à sa maîtresse, car il fut stupéfait, un soir de 1804, alors qu’il travaillait avec Napoléon – celui-ci venait de prendre la couronne – d’entendre annoncer : « Mlle Bourgoin. »
— Qu’elle attende ! jeta le maître.
Comprenant ce que signifiait pareille visite à cette heure tardive, le ministre prit son portefeuille, s’en alla et, le lendemain, envoya sa démission – définitive cette fois.
L’Empereur l’avait-il fait exprès pour se débarrasser de Chaptal, qu’il appelait « papa clystère » ?... On ne sait. Quoi qu’il en soit, Mlle Bourgoin en voulut mortellement au maître.
Plus tard il regrettera de n’avoir pas consacré plus de temps aux femmes – même simplement pour bavarder avec elles « sur le canapé ».
— J’aurais appris beaucoup de choses. C’est une rivière qui a besoin d’eau et à qui il faut en apporter.
On entendit un jour retentir une fois de plus le fameux :
— Qu’elle attende !
Il s’agissait, cette fois, d’une autre comédienne : Mlle Duchesnois – Catherine-Joséphine Raquin – qui n’était guère jolie. Affligée d’un nez « dont le sifflement, dira Alexandre Dumas, répondait à l’ampleur », son visage faisait penser « à l’un de ces lions de faïence qu’on met sur les balustrades ». Mais, comme elle était aussi bien faite que la Vénus de Milo, elle se hâtait de le montrer et de
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