Bonaparte
Saint-Cloud, il lui dit :
— Nous avons une dette, des Mazis.
L’ancien condisciple de Buonaparte réfléchit... mais en vain.
— Vous souvenez-vous, reprit l’Empereur, que nous nous fîmes faire la barbe avant d’arriver au Creusot ? Ayant remis à payer à notre retour, ayant pris un autre chemin, nous ne nous sommes pas acquittés.
On affirme que Napoléon chercha à retrouver le barbier, mais il était mort et sa famille partie sans laisser d’adresse.
Au mois de janvier 1789, la rivière déborde à Auxonne et Napoleone souffre d’une fièvre paludéenne dont il attribue la cause à cette inondation. « Ce pays-là, écrit-il à sa mère, est très malsain à cause des marais qui l’entourent et des fréquents débordements de la rivière qui remplissent le fossé d’eau exhalant des vapeurs empestées ». Sans doute la ville est-elle encerclée d’eaux plus ou moins dormantes, mais, en réalité, le jeune officier est atteint depuis l’été précédent, d’accès de fièvre, qui sont probablement dus à la sous-alimentation et au surmenage. Il le confirme à un ami : « Je me couche à dix heures et me lève à quatre heures du matin... Je ne fais qu’un repas par jour, cela me fait très bien à la santé. » Pourtant, il ne va guère et travaille, en effet, avec une ardeur qui effraie ses rares amis.
Un camarade, Bussy, loge au-dessus de lui et a pris le « goût funeste » de donner du cor. Il assourdit à un tel point Buonaparte que celui-ci ne parvient plus à travailler. Les deux officiers se rencontrent un jour dans l’escalier, et Buonaparte lance :
— Mon cher, vous devez bien vous fatiguer avec votre cor ?
— Mais non, pas du tout !
— Eh bien, vous fatiguez beaucoup les autres !
— J’en suis fâché !
— Mais vous feriez mieux d’aller donner de votre cor plus loin.
— Je suis maître dans ma chambre.
— On pourrait vous donner quelque doute là-dessus !
— Je ne pense pas que personne fût assez osé...
Le duel est cependant arrêté ; le conseil des camarades examine l’affaire et prononce qu’à l’avenir « l’un ira jouer du cor plus loin, et que l’autre sera plus endurant ».
Vingt-cinq ans plus tard, au cours de la campagne de France, Napoléon retrouvera Bussy dans un petit village de l’Aisne. Ils ne s’étaient jamais revus. Bussy, revenu d’émigration, n’avait point quitté ses terres.
— Eh bien, Bussy, lui demandera l’Empereur, vous sonnez toujours du cor ?
— Oui, Sire, et toujours aussi faux.
Le lendemain, il guidera Napoléon sur le champ de bataille de Graonne. Napoléon le nommera colonel et Bussy suivra l’État-Major habillé en civil, n’ayant pas eu le temps de se faire tailler un uniforme. Les grognards l’appelleront le pékin de l’Empereur. Ce « pékin » ne quittera Napoléon qu’au lendemain de l’abdication.
L’art militaire se trouvait à ce moment révolutionné par les nouvelles théories tactiques du comte de Guilbert – rapidité, surprise de l’ennemi, supériorité numérique sur un point prévu – qui devaient séduire Buonaparte et avoir, sur la stratégie impériale, une influence décisive.
Le rôle réservé à l’artillerie devint primordial et connut une pleine évolution. Aussi, le maréchal de camp, commandant l’école d’artillerie et la place d’Auxonne, Jean-Pierre du Teil, frappé par l’intelligence du lieutenant Buonaparte, le nomme membre d’une commission chargée d’étudier « le jet de bombes avec canon ». Napoleone est le plus jeune et le seul lieutenant en second qui participe à cette commission. M. de Lombard, professeur de mathématiques à l’École d’artillerie d’Auxonne est émerveillé par la science de ce petit officier malingre qui n’a pas encore vingt ans ! Sans doute les plans ne sont-ils pas établis par lui. « Il n’y entendait rien, nous confie des Mazis. Un sergent les exécutait. Il les signait. Il protestait qu’il ne pouvait pas plus s’astreindre à tracer des lignes qu’à bien écrire. » Mais les rapports sont entièrement de sa main et du Teil, après les avoir lus, s’écria :
— Décidément, cet officier parviendra à une des premières places du corps royal d’artillerie !
La considération dont il est l’objet franchit les murs de la caserne. Sa femme de ménage, le 1 er janvier 1789, « lui souhaite de devenir un jour général ». Et Buonaparte de répondre en soupirant :
— Général ? Général ! Ah ! ma
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