Bonaparte
héréditaire où tant d’avantages vous sont promis.
Mais il y a aussi – aussi et surtout – les femmes du clan dont les inquiétudes sont plus terre-à-terre. Napoléon doit « se mettre en bataille rangée » selon son expression pour obliger ses soeurs et belles-soeurs à porter la traîne de l’Impératrice à Notre-Dame, et à la suivre pendant le long déroulement de la cérémonie. La « princesse Joseph » ne prétendait-elle pas « qu’un tel office était bien pénible pour une femme vertueuse » ? Où la vertu allait-elle se nicher !
— Depuis six jours que dure cette querelle, confie l’Empereur à son frère, je n’ai pas un instant de repos. J’en ai perdu le sommeil !
Ces dames s’agitent à tel point que, par un détour subtil qui les apaise, on convient qu’elles ne porteront point le manteau, mais qu’elles le soutiendront... On leur offre même à chacune un chambellan porte-queue pour tenir la traîne de leur robe.
Le choix de l’église où la cérémonie aurait lieu n’est pas encore fixé. L’église des Invalides est proposée, mais l’absence de choeur, l’exiguïté relative du bâtiment font abandonner le projet au profit de Notre-Dame où, affirme l’Empereur, vingt mille personnes seront à l’aise. Malheureusement les abords de l’église se prêtent mal au déploiement d’un cortège. On contourne la difficulté en décidant de démolir les maisons gênantes et de dégager le parvis. Certains propriétaires – l’expropriation n’étant pas encore légale – se montre réticents. Le ministre s’étonne : « Dans une occasion, écrit-il à l’Empereur, où il s’agit du couronnement de Votre Majesté, il importe que tous les citoyens n’aient qu’à bénir tout ce qui tient à cette auguste cérémonie. » L’argument ne porte pas sur un propriétaire amoureux de sa maison... Portalis reçoit personnellement le récalcitrant qui refuse de « bénir » la main qui va le jeter à la rue. Le ministre lui fait sentir – il le racontera à Napoléon – « combien sa résistance était intempestive et que j’espérais tenir de sa raison et son zèle ce que je regretterais d’opérer par la force. Il a été très content de la remontrance, ajoute sans rire le ministre, et il m’a protesté qu’il allait concourir à l’exécution de mes ordres. » Autre chose contrarie les architectes et les décorateurs : le style gothique de Notre-Dame est tout à fait démodé. On ordonne d’emboîter l’édifice, à l’extérieur, de carton-pâte et, à l’intérieur, d’habiller les murs, piliers et chapiteaux. Tandis que les costumiers, tailleurs et cordonniers laissent vagabonder leur imagination vers la Renaissance, le grand écuyer, le grand chambellan, maître de cérémonies s’affairent et se penchent sur un cas délicat. Les chanoines de Notre-Dame exigeant des nouveaux habillements et des objets du culte destinés aux cérémonies, « car, pour le sacre des rois, affirment-ils, l’usage est d’acheter tout à neuf ». Par ailleurs, la présence du Pape et la messe dite par Sa Sainteté entraînent la présence d’un matériel et d’accessoires spéciaux tels que chaire, trônes, flabelli en plumes d’autruche, faldistoires, scabelli... Fort heureusement, le Pape abandonne l’idée de se faire porter à Notre-Dame sur la Sedia gestatoria, par des palefreniers vêtus de costumes en damas rouge, lorsque Napoléon lui fait savoir que « l’honneur avait été déféré à Marat » – sans parler de la déesse Raison qui, il y avait de cela onze années, avait été juchée sur un fauteuil enguirlandé et portée à dos de sans-culottes de Notre-Dame aux Tuileries. Suivie à son retour par tous les députés, celle qui avait « détrôné la ci-devant sainte Vierge » avait parcouru exactement le même trajet que celui prévu pour le Saint-Père...
Et les rites ?
Déjà, le 21 septembre, Napoléon avait écrit à Cambacérès : « Je me suis fait rendre compte de ce que le Pontifical romain prescrit pour le Sacre ; je l’ai fait traduire et je vous l’envoie. Je désire que vous me le renvoyiez avec vos observations, et des modifications plus adaptées à nos moeurs, et qui blessent le moins possible la cour de Rome. Cela nécessitera quelques décorations différentes dans le choeur de l’église... » On modifie donc en utilisant un mélange de rites provenant de Rome, de Reims, d’Allemagne et d’ailleurs. L’Empereur s’attache
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