Bonaparte
partagent point ses opinions et envisagent d’émigrer.
— Émigrer, leur déclare Napoleone, s’exaltant à cette pensée, c’est vider les provinces de leur noblesse. C’est surtout une aventure périlleuse dont vous ne tarderez pas à vous repentir.
L’Académie de Lyon ouvre un concours pour un sujet de discours. Question : Déterminer les vérités et les sentiments qu’il importe le plus d’indiquer aux hommes pour leur bonheur. Napoleone décide de se présenter et se met au travail, dans la fièvre. « Le secret du bonheur, écrit-il, est avant tout dans le courage, dans la force où consiste la vertu. L’énergie est la vie de l’âme comme le principal essor de la raison. L’homme fort est bon. Le faible seul est méchant. Le père dit à son fils : « Sois homme, mais sois-le vraiment. »
Il trace ensuite ces lignes concernant les « tyrans » : « Ils peuvent, ces ambitieux parvenus, faire du bien. Est-il rien de plus consolant pour la raison que de pouvoir dire : « Je viens d’assurer le bonheur de cent familles, je me suis agité, mais l’État va mieux, mes concitoyens vivront tranquilles par mon inquiétude, sont heureux par mes perplexités, gais par mon chagrin ? » On trouve encore, dans son texte, cette phrase prophétique : « Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle. »
Malheureusement, nombreux sont les passages dont le style est fâcheusement ampoulé. Son manuscrit – le numéro quinze – sera d’ailleurs déclaré par le jury « au-dessous du médiocre »...
Son chef, le colonel de Campagnol, n’a point voulu accorder un nouveau congé de semestre au lieutenant Buonaparte qui abuse véritablement des permissions ! Des bruits de guerre circulent – auxquels Napoleone ne croit guère – mais le colonel désire avoir auprès de lui tout son monde. Buonaparte voudrait se trouver en Corse au moment des élections, afin de soutenir la candidature de son frère Joseph, qu’il aimerait voir siéger à la nouvelle assemblée locale. Aussi, avec l’espoir de parvenir à ses fins, se rend-il au château de Pommiers, dans l’Isère, demeure du maréchal de camp du Teil, son ancien commandant d’Auxonne qui vient d’être promu inspecteur général d’artillerie. Napoleone lui expose son cas avec tant de ferveur que M. du Teil, plus compréhensif que M. de Campagnol, accorde volontiers une permission de trois mois au jeune officier. Après le départ de Buonaparte, il dira, paraît-il, à sa fille :
— Voilà un homme de grand moyen et il fera parler de lui.
Avant son départ pour Ajaccio, Napoleone se rend à Grenoble – il aurait logé à l’hôtel des Trois Dauphins, rue Montorge – puis ensuite, à Tain, en face de Tournon, afin d’aider – manu militari – à l’installation du nouveau curé constitutionnel. Opération délicate qui se passe sans trop de heurts... et c’est en carriole – celle d’un certain M. Olive – que le lieutenant fera les quatre lieues et demie qui le séparent de Valence.
Au début du mois de septembre 1791, il arrive en Corse à temps pour recueillir, le 15 octobre, le dernier soupir de l’oncle Lucien qui laisse à sa belle-soeur et à ses neveux une assez jolie fortune cachée dans sa paillasse. On eut d’ailleurs bien du mal à découvrir le magot... S’il faut en croire Joseph, l’archidiacre, avant de mourir, aurait dit au futur empereur :
— Toi, Napoleone, tu seras un homme. Il a bien entendu prononcé Napollione... et c’est même avec cette orthographe que l’héritier signera l’acte devant notaire.
La situation dans l’île n’est guère brillante. « Affranchis par la Révolution, précise un rapport officiel, les Corses se sont trouvés, sans aucune instruction préalable, saisis » du droit de s’administrer. Par ressentiment et par esprit national, ayant chassé tous les employés français, les pouvoirs sont tombés aux mains des chefs de famille qui, pauvres, avides, inexpérimentés, ont commis beaucoup d’erreurs ou de fautes et les ont tenues secrètes par crainte et par vanité... » Après le décret du 12 août 1791, quatre bataillons de la Garde nationale ont pu être formés en Corse. L’ambition de Napoleone est désormais de parvenir au grade d’adjudant-major d’un bataillon de volontaires – fonction réservée aux militaires de carrière. L’un de ses cousins éloignés, le maréchal de camp Rossi, transmet sa demande au ministre
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