Bonaparte
de la Guerre. Celui-ci – le comte de Narbonne – donne son consentement, mais une loi du 3 février 1792 décrète que les officiers employés dans les bataillons de volontaires – à quelque arme qu’ils appartiennent – devront rejoindre leur corps, au plus tard, le 1 er avril suivant. Seuls, les lieutenants-colonels sont exemptés de cette mesure. Buonaparte qui, soit dit en passant, aurait dû rejoindre Valence depuis le 1 er janvier, décide cependant d’accéder à ce grade et pose sa candidature. En face de lui, il a comme concurrents Perraldi et Pozzo di Borgo, soutenus tous deux par Paoli.
Grâce à l’héritage de l’archidiacre, Buonaparte mène sa campagne électorale avec un acharnement sans bornes – et sans regarder à la dépense.
— Autant vaut ne rien faire que de faire les choses à demi, s’exclame-t-il.
Il veut parvenir à ses fins, intrigue, s’agite, fait agir le clan, le domine, sans admettre la moindre contradiction et s’emporte « à la plus petite résistance » venant de l’un des siens. Il se livre à des manoeuvres électorales qui étonnent ceux qui connaissent mal le caractère ardent, passionné et entier des électeurs natifs de l’île de Beauté... Il le clame – et il est sincère : ses adversaires sont des tyrans ! La Casa Buonaparte sert de lieu de réunion à tous ses partisans. Napoleone y tient table ouverte, reçoit les paysans, et ceux-ci – son principal soutien – campent dans toute la maison, se comportant, rue Malerba, comme en pays conquis. Letizia voit avec angoisse fondre la petite fortune laissée par l’archidiacre.
— Je suis presque à bout de ressources, déclare-t-elle à son fils, et, à moins de vendre ou d’emprunter...
Et, comme Buonaparte essaie de la tranquilliser, elle explique :
— Oh ! ce n’est pas la pauvreté que je crains, Napoleone, c’est la honte.
Deux commissaires, envoyés pour contrôler les opérations de votes logent, l’un, Grimaldi, chez les Buonaparte, l’autre, Murati, chez l’adversaire Peraldi. Napoleone n’hésite pas : à la veille des élections, il fait littéralement « enlever » par ses partisans le commissaire Murati, et il l’installe à la Casa.
— J’ai voulu, lui explique le jeune officier avec une désarmante mauvaise foi, que vous fussiez à votre aise, libre, entièrement libre. Vous ne l’étiez pas chez Peraldi. Ici vous êtes chez vous. Personne ne vous parlera de l’objet de votre mission. D’ailleurs, vous êtes libre d’aller chez qui il vous plaira.
Le 28 mars se déroulent les élections dans l’église du couvent de Saint-François. Après une séance orageuse, Quanza est élu premier lieutenant-colonel et Napoleone Buonaparte lieutenant-colonel en second. Les élections, on s’en doute, n’ont nullement apaisé les esprits. Toute l’île est en proie aux troubles. La nouvelle loi sur la constitution civile du clergé fait exploser la colère des Ajacciens. La ville est divisée en un salmigondis d’opinions. Tous s’affrontent : paysans et citadins, paolistes et anti-paolistes, francophiles et francophobes, bataillon des Volontaires et soldats de l’armée régulière. Et Buonaparte crie plus fort que tous les autres réunis !
Une semaine plus tard, le jour de Pâques – 8 avril – un prêtre non jureur célèbre la messe au couvent de Saint-François. Pour beaucoup c’est un acte de provocation et le feu est mis aux poudres ! Une véritable insurrection éclate alors dans les rues d’Ajaccio. On se bat « à coups de stylets ». Buonaparte – « pour rétablir l’ordre », affirme-t-il – veut faire battre la générale. L’officier de garde refuse « cette mesure de prudence » qui aurait jeté encore plus de monde dans les rues ! On le clame : les élections ont – bien sûr ! – été truquées. On l’affirme :
— Napoleone a causa di tutto !
Le sang coule. Devant la maison Ternano, près de la Cathédrale, Buonaparte voit tomber à ses côtés le lieutenant Rocca délia Sera, tué par « des citoyens ». Lui-même et son « état-major » doivent se réfugier au Séminaire pour échapper à la fois aux Paolistes, et – on croit rêver ! – aux soldats de l’armée régulière !
M. le lieutenant-colonel de la Garde nationale corse a complètement oublié qu’il est lieutenant au 4 e Régiment d’Artillerie ! Il l’oublie au point d’ameuter la foule afin de créer un soulèvement populaire et de s’emparer de la citadelle tenue
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