Bonaparte
mariage, le voilà tiré de la misère avec la dot Clary... Marie-toi, un homme marié se trouve placé dans la société, il offre un peu plus de surface et de résistance à ses ennemis.
Selon Napoleone – il le racontera à Sainte-Hélène – Barras aurait encore ajouté :
— Elle tient à l’ancien régime et au nouveau ; elle te donnera de la consistance, sa maison est la meilleure de Paris.
En apprenant les projets de sa mère, la petite Hortense est désespérée.
— Elle ne nous aimera plus autant, dit-elle à son frère.
Napoleone remarque une certaine froideur de la part de la fillette à son égard et fait « quelques frais pour la dissiper ». Il se plaît à la tourmenter, et se moque d’elle parce qu’elle va faire sa première communion :
— Vous êtes une petite dévote, lui lance-t-il.
— Vous l’avez bien faite, pourquoi, répond-elle avec logique, ne la ferais-je pas ?
Il éclate de rire. Son amour et son avancement commencent à faire de lui un autre homme. Son orgueil satisfait ne risquait plus d’être meurtri, l’air morose n’est plus de mise. Il devient plus expansif. Sa conversation « est toujours marquée de quelques traits et, jusqu’aux histoires de revenants qu’il raconte quelquefois, il a l’art de les rendre intéressantes par l’originalité de ses récits ». On l’admire – et c’est un sentiment si nouveau pour lui ! Certes, il n’a point cessé d’être susceptible. Un soir de février, Joséphine a osé lui reprocher de l’avoir recherchée par intérêt – peut-être pour obtenir ce fameux commandement de l’armée d’Italie... Il le prend très mal. Plus tard, il aura pourtant la franchise d’avouer, parlant de son union :
— Pour moi, c’était une excellente affaire.
Du moins il le croyait.
— Elle disait qu’elle avait 1 ou 2 000 000 de francs à la Martinique, expliquera-t-il ; elle n’avait que 500 000 francs que je n’ai jamais vus...
Le soir de leur discussion – elle marquera assurément car ils en reparleront plus tard –, il trace ces lignes sitôt rentré chez lui. « Je vous ai quittée emportant avec moi un sentiment pénible. Je me suis couché bien fâché. Il me semblait que l’estime qui est due à mon caractère devait éloigner de votre pensée la dernière qui vous agitait hier au soir. Si elle prédominait dans votre esprit, vous seriez bien injuste, Madame, et moi bien malheureux ! Vous avez donc pensé que je ne vous aimais pas pour vous ! ! ! Pour qui donc ? Ah ! madame, j’aurais donc bien changé ! Un sentiment si bas a-t-il pu être conçu dans une âme si pure ? J’en suis encore étonné, moins encore que du sentiment qui, à mon réveil, m’a ramené sans rancune et sans volonté à vos pieds. Certes, il est impossible d’être plus faible et plus dégradé. Quel est donc ton étrange pouvoir, incomparable Joséphine ? Une de tes pensées empoisonne ma vie, déchire mon coeur par les volontés les plus opposées, mais un sentiment plus fort, une humeur moins sombre me rattache, me ramène et me conduit encore coupable. Je le sens bien, si nous avons des disputes ensemble, tu devrais récuser mon coeur... ma conscience : tu les as séduits, ils sont encore pour toi. Toi cependant, mio dolce amor, tu as bien reposé ? As-tu seulement pensé deux fois à moi. Je te donne trois baisers : un sur ton coeur, un sur ta bouche, un sur tes yeux. »
Le 2 mars, Buonaparte est nommé commandant en chef de l’armée d’Italie. C’est le cadeau de noces de Barras. Napoleone gêné d’être l’obligé de l’ex-amant de sa femme, dira plus tard qu’il devait sa nomination à Carnot :
— Il connaissait mes grandes qualités, expliquera-t-il.
Peut-être se mirent-ils à deux pour convaincre leurs collègues...
Le 8 mars, c’est la signature du contrat de mariage de Napoleone et de Joséphine chez M e Raguideau, notaire de Mme de Beauharnais, qui désapprouve l’union de sa cliente avec un homme qui n’a, soupire-t-il, « que la cape et l’épée ». Le lendemain soir a lieu le mariage. Le ciel est sans nuages, mais la brume commence à monter à l’horizon et fait pâlir les étoiles. Dans le salon de la mairie, ancien hôtel de Mondragon {13} , l’ex-Rose de Beauharnais – robe de mousseline ornée de fleurs tricolores – les témoins Barras, Tallien, Calmelet, homme de confiance de Joséphine, et le commissaire Collin-Lacombe qui, sans en avoir le droit, remplace le maire parti se coucher,
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