Bonaparte
Bassano, 22 fructidor – 8 septembre ! Il est si heureux que pour la première fois – hors deux lignes affectueuses – il n’adressera à Joséphine que ce bulletin de victoire : « L’ennemi a perdu, ma chère amie, dix-huit mille hommes prisonniers ; le reste est tué ou blessé. Wurmser, avec une colonne de quinze cents chevaux et cinq mille hommes d’infanterie, n’a plus d’autre ressource que de se jeter dans Mantoue. Jamais nous n’avons eu de succès aussi constants et aussi grands : l’Italie, le Frioul, le Tyrol, sont assurés à la République. Il faut que l’Empereur crée une seconde armée ; artillerie, équipages de pont, bagages, tout est pris. »
L’occupation de Bassano – Bassano del Grappa – a permis à Bonaparte de « fermer » la retraite des troupes autrichiennes vers Trente. Celles-ci – il l’avait prédit – ont été contraintes d’aller se réfugier dans Mantoue, dont le siège recommence aussitôt. En trois semaines, les Autrichiens ont ainsi perdu vingt-sept mille hommes et Marmont peut partir pour Paris emportant avec lui vingt-deux drapeaux. Ce même jour Ferrare, Bologne, Reggio et Modène se réunissent et forment la République Cispadane. Milan – où Bonaparte retrouve durant deux jours Joséphine – va devenir la capitale de la république lombarde, ou Transpadane, en attendant de prendre le nom de Cisalpine – souvenir de la conquête des Gaules par César.
Le 26, Bonaparte lance une proclamation aux Italiens : « Le temps est arrivé où l’Italie va se montrer avec honneur parmi les nations puissantes... Courez aux armes ! La partie de l’Italie qui est libre est peuplée et riche. Faites trembler les ennemis de vos droits et de votre liberté.
À cette lecture, le Directoire fait la grimace. Telle n’est pas la politique que Paris voudrait suivre en Italie ! Aussi Bonaparte, quelques jours plus tard – le 8 octobre – explique-t-il au Gouvernement : « Notre position en Italie est incertaine, et notre système politique très mauvais. On gâte tout. Je crois imminent, très imminent, que vous adoptiez un système qui puisse nous donner des amis, tant du côté des princes que du côté des peuples... »
Qu’on lui fasse confiance et qu’on le laisse diriger : « On n’attribuera pas ce langage à l’ambition, poursuit-il : je n’ai que trop d’honneurs et ma santé est tellement délabrée que je vais être obligé de vous demander un successeur. »
Il s’agit – bien sûr – d’une nouvelle menace. Que Paris lui donne carte blanche et il remplira les caisses du gouvernement ! Puisque, pour le Directoire, c’est là le principal ! Dans ce domaine, les cinq rois ne peuvent se plaindre : depuis le mois d’avril, l’armée d’Italie a drainé vers la République « quarante à cinquante millions ».
Le 12 octobre, il quitte Milan, ou, plutôt, il s’arrache aux délices de Joséphine... et va demeurer deux jours à Modène. Seul compte Mantoue. Le 15, il décide d’explorer les environs de la ville. Il travaille – ainsi qu’il le fera si souvent plus tard – dans une berline équipée pour les besoins de la cause, une véritable voiture-bureau. Avec son frère Louis, avec Salicetti et Berthier, il parcourt la région entre Mantoue et Guastalla. La campagne est inondée. À un certain moment, il doit descendre de voiture et avoir recours à un Italien – le guide Bellentini – qui le porte sur son dos. Il a pris froid et le soir, en rentrant à Modène, il se sent fiévreux. Il sera malade durant deux jours. Berthier en avise même Joséphine le 16 octobre. Le « général » a une manière de grippe, accompagnée d’une violente migraine – ce qui ne l’empêche pas de tenir la plume et chaque jour lettres, rapports et ordres partent dans toutes les directions – et des billets brûlants s’envolent vers Joséphine.
Durant plus d’un mois, jusqu’au 14 novembre, il ne regagnera pas Milan et se tiendra surtout à Modène et à Vérone, d’où il refoulera à de nombreuses reprises les assiégés qui tenteront des sorties. Par deux fois – entre le 10 et le 13 novembre – Bonaparte sera même obligé de battre en retraite et Wurmser sera persuadé que les Français vont abandonner ce maudit siège.
Le 14, Napoléon quitte de nouveau Vérone, traverse l’Adige et atteint le village de Ronco. De là, trois chaussées traversent les marais. Celle du centre passe devant un bourg où l’on pénètre par un pont qui
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