Bonaparte
quitter Milan et de venir le retrouver. Tout en prenant le café sur le balcon de la modeste maison que le comte de Provence avait occupée – et d’où l’on découvre la campagne avoisinante – il serre de près la langoureuse créole qui rit, répétant en leitmotiv :
— Finis donc, Bonaparte !
Les assistants détournent la tête, gênés... soudain l’un d’eux pousse un cri :
— Les Autrichiens !
Les « habits blancs » de Wurmser chargés de délivrer Mantoue – descendent, en effet, en longues files, de la montagne. Qu’a donc fait Masséna, chargé de garder les vallées commandant les plaines lombardes et vénitiennes ? Tandis que Joséphine, sous la conduite de Junot, fuit vers Desenzano, Bonaparte reçoit estafettes sur estafettes et possède bientôt une vue d’ensemble de la situation. Elle n’est guère brillante ! – et les ordres de pleuvoir :
Au général Augereau :
« L’ennemi a forcé le poste de la Corona. L’on s’occupe en ce moment à le reprendre. Il est indispensable, quelle que soit l’issue de cette tentative, d’attaquer l’ennemi et de le battre. »
Au général Masséna, responsable de l’échec :
« Le sort des armes est journalier, mon cher général ; nous rétablirons demain ou après, ce que vous avez perdu aujourd’hui... Brûlez votre pont ; réunissez vos forces ; éloignez-vous pendant la nuit... Rien n’est perdu tant qu’il reste du courage. La garnison de Vérone a bien étrillé les ennemis. »
Au général Gaultier :
« Les circonstances sont assez critiques. La journée de demain sera, je l’espère, plus honorable. Faites évacuer tous les malades par Crémone, Plaisance et Milan, et en général, tous les effets appartenant à la République... »
Au général Sérurier :
« Une partie de la division du général Masséna a été obligée de se replier. Je me rends cette nuit à Castelnuovo, avec plusieurs demi-brigades. Peut-être rétablirons-nous les affaires ; cela m’oblige cependant à de sérieuses précautions pour la retraite. »
Après avoir traversé Peschiera et Castelnuovo, il arrive à Desenzano dont les rues étroites sont encombrées de cadavres. Là il apprend que, non loin de la presqu’île de Sirmione, les Autrichiens, dont les embarcations sillonnent le lac de Garde, ont pris comme cible la voiture de Joséphine. « Wurmser me paiera cher les craintes qu’il vient de te causer », annonce-t-il à sa femme.
Les mauvaises nouvelles abondent : la route de Milan est coupée, Brescia a été repris, Lannes et Murat faits prisonniers. Après avoir expédié Joséphine vers Florence – sous la protection d’une escorte de dragons – il réunit un conseil de guerre. Les choses vont mal... très mal. Certains croient déjà l’Italie perdue pour les Français ! Le bruit court que les Napolitains et le Pape ont l’intention de rompre l’armistice et de marcher vers le nord.
Le plan de Bonaparte ?
C’est la stratégie napoléonienne : puisque l’ennemi a divisé ses forces, en deux armées, il les battra l’une après l’autre ! Il l’expliquera plus tard à Las Cases :
— Dès ce moment, le plan d’attaque de Wurmser se trouvait dévoilé. Seule contre toutes ces forces, l’armée française ne pouvait rien : on n’était pas un contre trois, mais seule contre chacun des corps ennemis, il y avait égalité.
Aussi, ce soir-là, de Roverbella, donnera-t-il l’ordre d’abandonner provisoirement Mantoue. Sérurier devra enclouer {15} ses canons. La contre-offensive est commencée. Avec quarante-deux mille hommes il va en battre quatre-vingt mille ! Et les courriers s’élancent dans toutes les directions :
« Ce n’est pas à vous, écrit-il à Masséna, que l’on a besoin de recommander, dans une circonstance si essentielle, de montrer de l’audace ; telle chose qu’il arrive et qu’il puisse en coûter, il faut coucher demain à Brescia. »
« Faites-moi prévenir, ordonne-t-il au général Kilmaine, du moment où vous attaquerez. Demain matin, il ne sera plus temps... Je me rends à l’instant à Goito, et à Roverbella pour y connaître l’état des choses. »
Enfin, sur la route de Roverbella à Goito, après avoir manqué tomber dans une embuscade croate, il écrit à Augereau : « Il faut, général, faire votre retraite sur Roverbella. Voici la malheureuse position de l’armée : l’ennemi a percé notre ligne sur trois points... Nos communications sont coupées avec Milan et
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