Bonaparte
et folle équipée égyptienne !
— Profitez des faveurs de la fortune lorsque ses caprices sont pour vous, dira-t-il un jour ; craignez qu’elle ne change de dépit : elle est femme !
Aussi, le repos sera-t-il bref : une nouvelle campagne va s’ouvrir à la fin de ce même mois d’août. Le 25 août, il part pour Vérone afin de « pousser la victoire jusqu’à son dernier résultat » : refouler l’armée de Davidovitch vers le Tyrol, tout en donnant le coup de grâce à Wurmser dont l’armée s’est évidemment reformée avec un espoir qui sera vite pulvérisé.
En passant par Brescia – le 30 août – il écrit d’abord à Joséphine : « Il n’est pas possible que tu te peignes mon inquiétude. Je t’ai laissée triste, chagrine et demi-malade. Si l’amour le plus profond et le plus tendre pouvait te rendre heureuse, tu devrais l’être... Je suis accablé d’affaires. » Il lance, en effet, ce même jour, une proclamation aux habitants du Tyrol qui va être envahi : « Vous sollicitez la protection de l’armée française, il faut vous en rendre dignes... Tyroliens, quelle qu’ait été votre conduite passée, rentrez dans vos foyers, quittez des drapeaux tant de fois battus et impuissants pour les défendre... Nous nous sommes rendus redoutables dans les combats ; mais nous sommes les amis de ceux qui nous reçoivent avec hospitalité. »
Il quitte Brescia pour Vérone la mort dans l'âme, car il n’a reçu aucune lettre de l’indifférente et dolente Joséphine : « Cela me met dans une inquiétude affreuse, lui dit-il. Tu étais un peu malade lors de mon départ. Je t’en prie ne me laisse pas dans une pareille inquiétude. Tu m’avais promis plus d’exactitude. Ta langue était cependant bien d’accord alors avec ton coeur... Pense à moi, vis pour moi, sois souvent avec ton bien-aimé et crois qu’il n’est pour lui qu’un seul malheur qui l’effraie ce serait de ne plus être aimé de sa Joséphine. Mille baisers, bien doux, bien tendres, bien exclusifs. »
Exclusifs !
Le 1 er septembre, le voici à Peschiera. De là il s’apprête à foncer vers Trente où Wurmser s’est replié. Pour cela, il lui faut atteindre le nord du lac de Garde. Ayant occupé Ala, il annonce à Joséphine, avant de faire jeter un pont sur l’Adige : « Nous sommes en pleine campagne, mon adorable amie ; nous avons culbuté les postes ennemis ; nous leur avons pris huit ou dix chevaux avec un pareil nombre de cavaliers. La troupe est très gaie et bien disposée. J’espère que nous ferons de bonnes affaires et que nous entrerons dans Trente le dix-neuf. »
Le 19 fructidor, c’est-à-dire, le 5 septembre... Il tiendra parole.
Les « affaires » ont été « bonnes », grâce à la victoire, le 4 septembre, de Roveredo. Après avoir quitté les défilés de Marco, les Autrichiens s’étaient retirés dans Roveredo au débouché de la Vallarsa. « Une position inexpugnable, expliquera Bonaparte au Directoire : l’Adige touche presque à des montagnes à pic et forme une gorge qui n’a pas quarante toises de largeur, fermée par un village, un château élevé, une bonne muraille qui joint l’Adige à la montagne... Le général Dommartin fait avancer huit pièces d’artillerie légère pour commencer la fusillade ; il trouve une bonne position d’où il prend la gorge en écharpe... Trois cents tirailleurs se jettent sur les bords de l’Adige pour commencer la fusillade, et trois demi-brigades, en colonnes serrées, et par bataillon, l’arme au bras, passent le défilé. L’ennemi, ébranlé par le feu vif de l’artillerie, par la hardiesse des tirailleurs, ne résiste pas à la marche de nos colonnes ; il abandonne l’entrée de la gorge ; la terreur se communique dans toute la ligne, notre cavalerie le poursuit... Six ou sept mille prisonniers, vingt-quatre pièces de canon, cinquante caissons, sept drapeaux, tel est le fruit de la bataille de Roveredo, une des plus heureuses de la campagne. Notre perte ne va pas à deux cents hommes tués ou blessés ; celle des ennemis doit avoir été considérable. »
Le lendemain, 5 septembre, en annonçant dans une nouvelle lettre la prise de Trente, il ajoute : « Citoyens Directeurs, le 22 (fructidor), je serai à Bassano. Si l’ennemi m’y attend, il y aura une bataille qui décidera du sort de tout ce pays-ci... »
Il a annoncé la prochaine bataille ! II a même donné la date et le, nom qu’elle porterait dans l’histoire :
Weitere Kostenlose Bücher