Bonaparte
Vérone... »
Pendant ce temps, Wurmser croit l’affaire dans le sac et fait dans Mantoue une entrée glorieuse... Il ne se doute pas que Bonaparte rassemble toutes ses forces entre le Mincio et l’Oglio. Durant la nuit du 31 juillet au 1 er août, Napoléon marche sur Brescia avec tout ce dont il peut disposer comme forces. Les Autrichiens refusent le combat et « se retirent en toute hâte » en voyant toute l’armée française s’avancer vers eux. « Nous avons essuyé des revers, explique Bonaparte aux « citoyens-directeurs », mais déjà la victoire commence à revenir sous nos drapeaux... »
Et c’est la contre-offensive foudroyante de l’armée républicaine.
Quasdanovitch et ses Autrichiens attaquent Lonato. Napoléon, avec l’infanterie de Masséna et tout ce qu’il a pu réunir de dragons, se porte sur la ville et coupe l’armée autrichienne en deux tronçons : l’un est rejeté sur le Mincio, l’autre vers le lac de Garde. Junot charge l’armée autrichienne en déroute, jusqu’à Salo. Et Quasdanovitch n’a d’autre ressource que de ramener les débris de son armée au nord du lac ! Bonaparte a fait deux mille prisonniers, et il peut annoncer au Directoire que les « choses prennent une tournure satisfaisante ».
Au tour de Wurmser, maintenant !
À six heures du matin, le 5 août, à Castiglione, les deux armées sont en présence. Bonaparte recule pour attirer l’ennemi à lui, et les Autrichiens, tombant dans le piège, attaquent sur leur droite et dégarnissent leur centre. Marmont, avec vingt pièces d’artillerie légère crachant à mitraille, enlève une redoute faite par les « habits blancs » au milieu de la plaine. La canonnade redouble, la gauche de Wurmser recule, et Augereau entre dans la danse avec une fougue et un allant qui vaudront un jour à ce fils d’une fruitière et d’un domestique, le duché de Castiglione. Wurmser essaye de se maintenir vers la tour de Solferino, mais, emporté par la déroute de ses troupes, il se retire vers Trente. Tout le lac de Garde, position clef, est entre les mains de Bonaparte !
— À la guerre, dira-t-il un jour, l’audace est le plus beau calcul du génie !
Le vainqueur retourne à Vérone et peut écrire fièrement au Directoire : « L’armée autrichienne qui, depuis six semaines, menaçait d’invasion l’Italie, a disparu comme un songe, et l’Italie qu’elle menaçait est aujourd’hui tranquille... » Il ajoute dans cette même lettre : « À Gastelnuovo, pays vénitien, on a assassiné un volontaire ; j’ai fait brûler la maison, et sur ses débris, j’ai fait inscrire : « Ici on a fait assassiner un Français... »
Les ailes qui poussent à Bonaparte gênent toujours certains membres du gouvernement, lesquels, sans l’avouer, voudraient les lui voir rogner... Né semble-t-il pas, insinuent-ils, avoir l’ambition de conquérir l’Italie, bien plus pour jouer au dictateur et au conquérant que pour la grandeur de la République ? Bonaparte les devine : « Il me paraît, écrit-il à Carnot le 9 août, qu’un grand nombre de personnes désirent me faire du tort, et que l’on emploie toute l’intrigue pour accréditer des bruits aussi bêtes que méchants... » Aussi, afin d’avoir désormais les coudées franches, menace-t-il de nouveau de s’en aller : « La chaleur est ici excessive. Ma santé un peu affaiblie. S’il est en France un seul homme pur et de bonne foi qui puisse suspecter mes intentions politiques et mettre du doute sur ma marche, je renonce à cet instant même au bonheur de servir ma patrie. » Mais que l’on ne s’imagine pas qu’il est homme à demeurer inactif : « Trois ou quatre mois d’obscurité calmeront l’envie, rétabliront ma santé et me mettront à même d’occuper avec plus d’avantage les postes que la confiance du Gouvernement pourrait me confier. » Et il ajoute : « Ne pas laisser vieillir les hommes (dans leur emploi) doit être le grand art du Gouvernement. »
Dès ses premières victoires, dès la montée de sa popularité, dès qu’ils eurent entendu ses premières paroles de chef, les dirigeants ont deviné que ce « petit bamboche aux cheveux éparpillés » pourrait bien devenir leur maître. Ils n’auront plus qu’une idée en tête : le tenir éloigné de la capitale. Aussi, durant trois années et demie, en brandissant le spectre de sa présence à Paris, Bonaparte obtiendra-t-il du Directoire tout ce qu’il voudra – même l’aberrante
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