Byzance
enfin, le Varègue Haraldr Nordbrikt vient de recevoir la reddition de toutes les unités de la Taghmata impériale.
Michel bondit de son trône et lança un coup de pied au tabouret doré qui se trouvait à ses pieds.
— Nordbrikt ! Nordbrikt ! Et pour commencer c’est sa pute qui m’a tenté. Nordbrikt, répéta-t-il, haletant, les yeux fous. Ordonnez à mes Petchenègues de détruire Haraldr Nordbrikt.
— Mon neveu, répondit Constantin, Haraldr Nordbrikt a également demandé la reddition de votre Garde petchenègue. Lorsqu’ils ont refusé, ses Varègues les ont massacrés jusqu’au dernier homme. Nous devons accepter l’offre d’un sanctuaire, supplia Constantin en s’avançant pour prendre les bras de Michel.
Le jeune homme se calma soudain et pencha la tête comme s’il écoutait d’autres voix.
— Oui. Très bien. Il faut sauver notre vie et attendre l’effondrement de cette coalition absurde contre nous. Qui a la charité de nous recevoir, dites-vous ?
— Les frères bénis du saint monastère studite, Majesté.
* *
*
Le soleil couchant inondait les fenêtres de la coupole et projetait de grands tunnels de lumière dans l’immense nef de Sainte-Sophie. Les sous-diacres et les touriers allaient et venaient sous les arcades et dans les ambulatoires pour le rituel de l’allumage des candélabres de bronze et d’argent, des lampes et des polycandélons. L’augusta Théodora, vêtue de la robe pourpre de l’État, était assise sur un trône sous le demi-cône de l’ouest de la nef. Le diadème orné de pierreries de l’augusta impériale semblait une œuvre architecturale perchée sur sa petite tête. La cour improvisée qui défilait pour s’agenouiller en soumission devant elle ne ressemblait en rien à tout ce que Rome avait déjà pu voir. Les dignitaires étaient présents dans leurs robes officielles avec les emblèmes de leurs rangs, mais la nouvelle impératrice était également assistée par le peuple de la ville : membres des corporations, marchands, humbles et pauvres du Stoudion. Et des femmes avaient été admises dans la grande église, comme il semblait naturel dans un empire désormais gouverné par deux sœurs.
Haraldr avait été l’un des premiers présentés à la nouvelle impératrice, car Alexios avait sagement proscrit tout protocole formel pendant cette période extrêmement délicate de transition. Après les prosternations rituelles, Haraldr s’était agenouillé aux pieds de Théodora, qui lui avait offert sa main à baiser. À la différence de sa sœur Zoé, dont le visage exprimait un plaisir pur mais dont le regard semblait ravagé par la souffrance, Théodora avait des traits mélancoliques que démentait un regard vif, presque juvénile.
— J’ai entendu parler de vous, lui dit-elle d’une voix neutre, vaguement triste. Vous voulez m’enlever ma Maria.
Haraldr était épuisé, affamé, et il espéra que son visage ne trahirait pas son passage dans le monde de l’esprit. Où était Maria ? Toute la journée il avait envoyé des estafettes parcourir le Palais, et chacune d’elles était revenue avec le même rapport : personne ne l’avait vue, personne ne savait où elle se trouvait. Et même si elle était saine et sauve quelque part, aurait-il maintenant besoin de la permission de cette impératrice pour l’emmener en Norvège ?
— Je la laisserai partir, dit Théodora en riant.
Haraldr se demanda si elle était sincère ou si elle cherchait seulement à l’apaiser pour une autre fin. Puis Théodora redevint sérieuse et Haraldr s’aperçut que ses petites lèvres pincées trahissaient de la peur.
— Ce siège n’est pas des plus confortables, lui dit-elle. Il est assez large mais pas stable du tout. On s’attend à en tomber à tout moment.
Haraldr inclina la tête.
— J’ai besoin d’un homme pour le stabiliser, ajouta l’augusta. D’un homme fort et loyal. Je sais que vous possédez la première de ces qualités. Maria assure que vous possédez également la seconde. Je ne vous demande pas de rester près de moi longtemps, dit-elle en le regardant dans les yeux. Ma sœur se remariera. Sans doute très vite, et j’espère à un homme capable de gouverner selon la justice. À ce moment-là, je retournerai à un perchoir plus modeste mais beaucoup plus sûr.
Le ton direct et apparemment sans malice de l’augusta plut à Haraldr – mais comment savoir avec ces Romains ?
— Majesté, répondit-il,
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