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Byzance

Byzance

Titel: Byzance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michael Ennis
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lumière, un piège tendu à tout citoyen assez fou pour s’égarer du côté des artères putrides d’un des plus vastes quartiers de taudis de Constantinople. Mais le cavalier, qui était à sa manière un homme de la nuit et des lieux les plus sinistres de la ville, les avait aperçus avant qu’ils ne repèrent sa silhouette de géant, découpée à contre-jour sur les lueurs de l’arsenal de la Mangana. Il ne daigna pas modifier son itinéraire.
    Les sabots claquèrent sur d’anciens pavés, puis firent silence quand le cheval ralentit sur la boue et les ordures qui avaient commencé à s’amonceler dans cette venelle oubliée. Les cinq malandrins attendirent, à l’affût des bruits d’une éventuelle escorte. Leur victime était seule, et ils s’en réjouirent. Mais quand ils aperçurent la silhouette vêtue de noir et la tête énorme, ils hésitèrent à attaquer, croyant reconnaître l’homme qui chevauchait dans la nuit. Ils se mirent à chuchoter entre eux ; et le cavalier, qui avait appris à distinguer des confidences murmurées au milieu d’une pièce pleine de hauts dignitaires en train de bavarder, sourit et écouta leur confusion.
    — C’est le moine-démon. J’en jurerais sur les couilles d’un saint.
    — Non ! Nous verrons bien assez de démons quand on nous appellera en Enfer.
    — S’il t’attrape le premier, tu n’auras à craindre ni le Christ Roi ni les disciples du diable. C’est un tourbillon noir maléfique, capable de traverser cette maudite ville en un clin d’œil.
    — Écoute ça tant que tu as encore des oreilles, mon frère. Filons d’ici, et vautrons-nous avec quelque pute pour remercier les démons d’avoir sauvé nos couilles de Joannès.
    Avant que les cinq silhouettes aient pu disparaître dans les ombres, le cavalier avait chargé au milieu d’eux. Les truands levèrent les yeux, terrifiés, puis s’écartèrent de la monstrueuse tête ricanante comme s’il s’agissait d’une torche éclairée, lancée vers leurs visages.
    « Regardez-moi bien, songea le cavalier pendant que les cinq hommes s’enfonçaient dans des crevasses noires entre les taudis. Et répandez la nouvelle comme du poison dans vos terriers fétides. Que toutes les âmes damnées de ces entrepôts pestilentiels de rebuts d’humanité sachent bien qui je suis. Je suis plus que le pouvoir – le visage trop facilement reconnaissable de l’autorité en uniforme qui vous matraque dans vos repaires puants le jour et raccourcit votre chaîne la nuit. Oui, je suis beaucoup plus redoutable : la conjonction du pouvoir et de la résolution implacable de l’exercer sans hésitation ni pitié. Je suis la peur. »
    Le cavalier, qui s’appelait vraiment Joannès, reprit son chemin. Il éperonna son cheval sur la bonne chaussée de pierre qui montait à flanc de coteau vers une vaste maison à la façade toute simple. Il en fit le tour, puis quitta la rue et s’engagea sous un portique à colonnes orné de plantes grimpantes. Un jeune homme en tunique courte le reconnut, ouvrit une grille et le fit entrer dans une grande cour intérieure. Joannès remit ses rênes à un valet d’écurie et admira les arbres taillés de la cour : la forme d’un sanglier ; un incroyable lion accroupi. Il traversa le long portique intérieur jusqu’à de grandes doubles portes de bronze, où l’accueillirent deux Alamans en armure, au visage mal rasé, encore plus grands que lui. Ils le firent entrer sur-le-champ.
    —  Orphanotrophe ! s’écria son hôte, en donnant à Joannès son titre officiel dans l’administration de l’Empire romain.
    Les lustres n’étaient pas allumés et l’unique rangée de cierges dans des niches du mur lançait une lumière vacillante sur les mosaïques. Ici et là des tesselles dorées scintillaient ainsi que de petites étoiles.
    — Logothète du Dromos, répondit Joannès.
    Tel était le titre officiel de l’homme responsable de tous les services de renseignements, à l’intérieur de l’Empire romain et à l’étranger. Joannès oublia volontairement le titre honorifique de magister dont bénéficiait le logothète. Il n’existait pas de titre plus élevé dans l’administration romaine et aucun courtisan n’aurait oublié de le mentionner s’il tenait à conserver sa virilité. Mais le moine fanatique aux yeux enfoncés n’avait que faire de l’apparat complexe des cérémonies de cour. Et peu lui importait son titre de « gardien des

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